Épicentre de la maladie du Mpox avec plus de 30.000 cas, la RDC a lancé la campagne de vaccination contre cette épidémie samedi 5 octobre à Goma. Médecin Coordonnateur Provincial de cette campagne au Nord-Kivu, Docteur Stéphane Mustapha Bateyi explique qu’il s’agit d’une vaccination ciblée pour arrêter la chaîne de transmission. Il invite la population à se faire vacciner et alerter sur le risque de propagation du virus de Marbourg qui sévit au Rwanda voisin, frontalier du Nord-Kivu.
Stanislas Kambashi, SJ – Cité du Vatican
La ville de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) a déjà enregistré plus de 375 cas confirmés du Mpox. Zone touchée par la guerre avec plus de deux millions de déplacés internes, dont au moins 40 ont contracté le virus, c’est dans cette ville qu’a été lancée la campagne de vaccination nationale en présence du ministre congolais de la santé Roger Kamba. Des 256.000 doses reçues, le gouvernement a disposé 20.000 pour le Nord-Kivu. Au cours d’une interview accordée à Radio Vatican – Vatican News, Docteur Stéphane Mustapha Hans Bateyi a expliqué qu’il s’agit d’une vaccination ciblée pour arrêter la propagation. Nous vous proposons l’intégralité de cet entretien.
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La RDC vient de lancer la campagne de vaccination contre le Mpox. Quelles sont les catégories de personnes ciblées pour ce début de campagne ?
Nous avons lancé à partir du 5 octobre la vaccination nationale contre Mpox à Goma, à l’hôpital provincial, pour vacciner de manière ciblée, réactivement, la tranche ciblée pour cette vaccination. Nous allons vacciner les adultes d’abord, puisqu’on doit vacciner également les enfants plus tard, on doit vacciner les adultes à partir de 18 ans et plus. Et comme c’est une vaccination ciblée, nous allons commencer par les travailleurs de première ligne qu’on appelle les PPL. C’est les médecins, les infirmiers, les paramédicaux qui sont dans nos structures de soins, les gens qui travaillent dans les points d’entrée et les points de contrôle. Nous avons des frontières, nous avons des ports et des aéroports. On doit vacciner les professionnels de sexe, puisqu’il y a eu des preuves que cette maladie se transmet également par voie sexuelle. On va vacciner les éco-gardes, puisque c’est une zoonose. On doit respecter l’approche One Health. Nous allons vacciner également les contacts et les contacts des contacts autour des cas confirmés. Également les vétérinaires et les vendeurs de gibiers.
Il ya eu et il ya peut-être encore de la réticence face à ce vaccin. Est-ce que vous recevez beaucoup de personnes qui viennent se faire vacciner ?
En fait, c’est beaucoup plus l’insuffisance d’informations. Ce n’est pas la réticence. C’est-à-dire que les informations n’ont pas bien filtrées. C’est une faiblesse que nous reconnaissons. Il y a des fausses informations qui circulent dans la communauté. Alors ces informations font que parfois il y a des hésitations. Mais nous sommes en train de vacciner pendant que la maladie est en train de faire des ravages. Sur une eu plus de 375 cas confirmés dans la province du Nord-Kivu et autour de trois zones de santé de la ville de Goma. Ce qui fait que, pratiquement, les zones de santé de Goma, Karisimbi, Nyiragongo, constituent l’épicentre de la maladie. Et je crois que la population est en train de vivre cette réalité.
Dans l’édition de la prière mariale de l’Angélus dimanche 25 août 2024, le Pape François a exprimé sa solidarité envers les personnes et pays touchés par le Mpox ou «variole du singe», …
Donc les réticences ou les quelques rumeurs, c’est juste par manque d’informations. Au contraire, nous assistons à un engouement. Tout le monde veut se faire vacciner, surtout que nous avons à peu près plus de 2 millions de déplacés internes, dont on a déjà eu plus de 40 cas dans les camps de déplacés. Ça fait que tout le monde veut se faire vacciner. Mais la vérité c’est que le vaccin est sûr et efficace et ça protège. Il n’y a que la vaccination qui va arrêter la chaîne de transmission. Bien sûr, couplé aux mesures de biosécurité, notamment comme le lavage de mains, la distanciation, le port des cache-nez, je crois qu’avec la combinaison de toutes ces stratégies, sur va couper la chaîne de transmission de la maladie. Les cas des personnes déjà malades, on les prend gratuitement en charge dans nos structures de soins, dans ces trois zones sûres de santé, bien. D’autres zones de santé comme Mutuanga et Kyondo, elles ont eu 4 cas et elles sont en train de prendre en charge également des cas dans les structures sanitaires.
Si le vaccin peut être une réponse efficace, avez-vous reçu assez de doses pour vacciner assez de personnes ?
C’est une vaccination ciblée, comme je l’ai dit. On cible pour couper la chaîne de transmission. Ce n’est pas la vaccination générale de toute la population. Et sur une réception au niveau central des quantités limitées, donc moins de 300 000 doses. Ce qui fait qu’au niveau de la province, avec notre planification, on a reçu le premier lot de vaccins d’environ 20 000 doses qui vont suffire. En cas de rupture, nous serons approvisionnés rapidement.
Docteur Stéphane Mustapha Hans Bateyi, Médecin Coordonnateur Provincial de la campagne contre le Mpox au Nord-Kivu
Le Mpox a suscité la peur provoquée par la pandémie de Covid-19. Est-ce qu’avec la vaccination, la population retrouve une certaine confiance ?
Effectivement, je dis bien, on a déjà eu plus de 375 cas confirmés avec plus de 1.400 cas suspects avec deux décès. On est vulnérable par le fait que la province est martyre de cette barbarie de la guerre avec plus de 2 millions de déplacés internes parmi lesquels on a déjà eu même 40 cas de Mpox dans les camps de déplacés. Ça c’est quelque chose d’important qu’il faut souligner. Cette campagne, c’est une grande opportunité pour arrêter la chaîne de transmission de la maladie dans la province. C’est comme ça qu’on a ciblé, d’abord une vaccination réactive ciblée pour couper la chaîne de transmission. Et ça va se passer en deux phases. Donc on aura la première phase qu’on a commencé, du 5 au 17 octobre. La deuxième phase pourra intervenir 28 jours après, avec l’intervalle de 4 semaines pour donner la deuxième dose afin de compléter l’immunité des personnes qui ont reçu la première dose. Voilà comment nous allons travailler. Nous avons trois stratégies. À la stratégie fixe. On a des équipes qui travaillent dans le centre de santé ou les centres hospitaliers qui ont été désignés. On a la stratégie fixe avancée, c’est-à-dire qu’on vaccine les adultes, on sensibilise et puis on vient les vacciner. Autour des cas confirmés, on doit sensibiliser pour qu’on vaccine les contacts et les contacts des contacts. Et là, nous faisons la stratégie fixe avancée. Nous avons également la stratégie mobile. Cette stratégie mobile permet également d’avoir des équipes qui vont se déplacer vers les éco-gardes, par exemple, les vétérinaires dans leur lieu de service, pour les vacciner afin qu’ils soient protégés, afin de couper la chaîne de transmission de la maladie.
Vous venez de souligner un élément important, la guerre qui sévit dans ce parti de la République démocratique du Congo. Cela constitue une limite. Est-ce que vous avez assez de moyens logistiques, assez de possibilités pour arriver jusque dans les zones touchées par la guerre pour la vaccination ?
La santé n’a pas de couleur, la santé n’a pas de distinction. Ça signifie que nous avons, en plus, coupler l’approche plaidoyer auprès des humanitaires pour qu’ils nous facilitent à atteindre tous les coins. Mais pour la vaccination, nous sommes d’abord dans la ville de Goma, avec les trois zones de santé, Goma, Karisimbi et Nyiragongo, qui constituent l’épicentre de la maladie. Voilà comment nous allons travailler, tandis que dans les zones sous occupation ou sous contrôle, sur le personnel soignant qui est là, il communique les informations sur le plan sanitaire, nous avons la surveillance épidémiologique qui fait son travail à travers notre centre d’ alerte. Voilà comment nous gérons les informations. En même temps nous organisons la réponse par rapport à ces épidémies. Je voulais également informer que la province est limitrophe du Rwanda, où il ya aujourd’hui l’épidémie de virus au Marbourg, donc au Rwanda nous avons l’épidémie de virus au Marbourg, avec au moins 56 cas confirmés et12 décès. Donc c’est assez. Et vous savez la ville de Rubavu, c’est une ville limiterophe de la ville de Goma. Et déjà il y a eu un cas suspect de maladie du virus de Marbourg à Goma. Nous devons renforcer davantage la surveillance aux points d’entrée et aux points de contrôle ainsi que le respect des mesures barrières.
Selon un communiqué de presse publié ce 12 septembre par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef), la République démocratique du Congo (RDC) a enregistré plus de 21 000…
Docteur Stéphane Moustapha, vous êtes coordonnateur provincial de la province du Nord-Kivu en République démocratique du Congo, dans le cadre de cette campagne de vaccination. Pour conclure, quel conseil, quel message voulez-vous lancer à la population, mais aussi aux autorités congolaises ?
Ce qui est évident, c’est que le Mpox est d’abord une zoonose qui sévit dans nos forêts, notamment la RDC. Nous avons ce patrimoine, mais qui regorge également beaucoup de maladies d’origine zoonotique. C’est une évidence qui fait que même le premier cas a été découvert chez nous ici en RDC. Ça signifie que la maladie sévit en RDC, mais aussi dans d’autres pays comme le Nigeria. Et ça, c’est une évidence que la population ne doit pas nier. Le comportement responsable, ce qui nous est recommandé, c’est le changement de comportement. Dans le premier temps, on doit respecter les mesures barrières, notamment le lavage des mains après tout contact, la distanciation, le port des cache-nez, et je crois que c’est plus important et c’est très sanitaire. Ensuite, il faut beaucoup de prudence autour de la consommation de la viande de forêt. Il faut beaucoup de précautions parce que tout ce qu’on nomme gibier, qui vient de la forêt, on ne sait pas de quelle origine ils sont : est-ce que ce n’était pas des animaux décédés de maladies qui contaminent l’homme ? C’est une attitude qu’on doit également changer. Ensuite, il y a l’appropriation. Que les autorités s’approprient effectivement cette campagne et s’impliquent dans la riposte, pour donner une meilleure réponse à cette épidémie. Et enfin, à la population, je dit qu’il y a des mesures de santé publique à haut impact, notamment la vaccination. Il faut s’approprier cette vaccination pour couper la chaîne de transmission de cette maladie.