Comment adapter l’intelligence artificielle (IA) aux besoins des populations ou des États africains ? De la lutte contre la vie chère à l’identification du bétail, les ingénieurs du continent et de la diaspora rivalisent d’imagination pour développer les solutions qui s’exportent.
Pionnière de l’intelligence artificielle en Côte d’Ivoire, Sah Analytics a contribué à circonscrire la pandémie de Covid-19 à Abidjan. Depuis, elle a développé une application qui aide les autorités ivoiriennes à lutter contre l’inflation. « Nous accompagnons le ministère du Commerce ivoirien pour tout ce qui concerne les alertes par rapport à la vie chère, explique son PDG et fondateur, Yaya Sylla. Les citoyens, via une application, prennent des photos. Automatiquement, le lieu est géolocalisé. Ça aide le personnel du ministère du Commerce pour réagir derrière. »
Autre service développé grâce à l’IA par cette société : le contrôle des frontières et des mouvements migratoires, via l’exploitation d’images satellites. « Avec la constellation de satellites, on voit tout de suite, toutes les 15 minutes, quels sont les différents mouvements à une frontière donnée, à une position donnée. Ça peut permettre de créer des alertes. Et les forces de défense et de sécurité peuvent intervenir », poursuit Yaya Sylla.
Reconnaissance faciale des vaches pour la microfinance
Sah Analytics est désormais une filiale en France. Six ingénieurs travaillent à Reims dans la cybersécurité pour les banques et les collectivités locales. Dans l’autre sens, la PME Fit For Purpose, installée en Belgique, a créé une filiale en Afrique, Neotex.ai, pour répondre à un besoin très particulier au Kenya, dont les autorités imposaient aux éleveurs d’identifier leurs vaches. « Il y a des solutions classiques qui coûtent très cher, comme les puces électroniques à installer au niveau des vaches et qui sont inaccessibles aux éleveurs avec lesquels on travaille. Et donc, on a pensé, pourquoi pas, centraliser l’identification via une photo comme on le fait avec l’être humain », raconte Meshia Cédric Oveneke, co-fondateur belgo-congolais de l’entreprise.
Les algorithmes de reconnaissance faciale ne fonctionnant pas du jour au lendemain sur les vaches, il a fallu faire de la recherche et du développement pendant presque un an pour créer des modèles sur mesure : « Maintenant, avec une photo, on peut enregistrer une vache et on peut la reconnaître à n’importe quel moment, comme avec l’humain. Et les banquiers sont maintenant beaucoup plus sûrs, à qui et pourquoi ils octroient les crédits, et c’est ainsi une lutte anti-fraude, une assurance pour pouvoir récolter les bonnes données et pouvoir donner le bon produit financier. »
L’ingénieur espère diffuser son outil de reconnaissance faciale du bétail dans la zone swahiliphone et francophone. Pour l’heure, moins d’1% du cheptel africain est assuré ou fait l’objet d’un crédit.
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