Des centaines de femmes, toutes vêtues de noir, ont manifesté jeudi 15 février à Kinshasa pour dénoncer l’inaction, voire, selon elles, la complicité de la communauté internationale et les pays occidentaux avec le mouvement rebelle du M23 et le Rwanda sur la situation dans l’est de la République démocratique du Congo. Elles répondaient à l’appel du ministère du Genre, Famille et Enfants congolais.
La veille et durant le week-end passé, plusieurs rassemblements étaient organisés devant les chancelleries occidentales et le siège de la Monusco. Depuis plus d’une semaine, les appels à manifester se multiplient dans le pays notamment sur les réseaux sociaux. Ils émanent parfois de personnalités reconnues comme des pasteurs évangéliques, dont Paul Mukendi, 46 ans et à la tête d’une communauté importante. Le 8 février, ce dernier appelé dans une prédication devenue virale à « assiéger les ambassades des États-Unis, de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne… » Réuni en urgence lundi 12, le Conseil de sécurité des Les Nations unies ont condamné « l’offensive du M23 » et réaffirmé son « soutien total à la souveraineté, à l’unité et à l’intégrité territoriale de la RDC ».
Comment expliquer cette escalade militaire ?
Sur le terrain, la situation est explosive. Les affrontements se sont intensifiés ces derniers jours dans le Nord-Kivu entre les forces armées de RDC (FARDC) appuyées par les milices locales et le M23 soutenu par des unités de l’armée rwandaise. Tout a commencé le 7 février, les rebelles ont d’abord pris la ville de Shasha, avant de prendre la direction de Saké, ville stratégique considérée comme le dernier verrou avant Goma, la capitale provinciale, située à seulement une vingtaine de kilomètres.
Cette résurgence des violences intervient au même moment où les troupes sud-africaines et tanzaniennes de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) étaient censées débuter leur déploiement en RDC.
Géographiquement, Goma est une agglomération de plus d’un million d’habitants, encerclée entre le lac Kivu au sud et la frontière rwandaise à l’est. À cause de cette résurgence du conflit, la province est, aujourd’hui, pratiquement déconnectée du reste du territoire national. Quant à Saké, c’est un carrefour hautement stratégique pour accéder à l’ouest du Nord-Kivu, mais aussi à la province voisine du Sud-Kivu.
Quelle est la situation humanitaire sur place ?
Cette intensification des combats a provoqué une aggravation de la situation humanitaire. Selon le HCR, le Haut-Commissariat aux réfugiés, 135 000 personnes ont fui les combats pour se réfugier dans les camps déjà saturés, de la périphérie de Goma.
Une reprise des négociations est-elle possible ?
Rébellion majoritairement tutsie, le « Mouvement du 23 mars », apparu en 2012 avait occupé Goma, avant d’être militairement délogée l’année suivante. Il est réapparu en novembre 2021, en reprochant au gouvernement de ne pas avoir respecté les accords sur la réinsertion de ses combattants. Depuis lors, il s’est emparé de plusieurs partis du territoire du Nord-Kivu.
D’après les experts, il ne s’agit plus pour le M23 de prendre Goma mais de l’asphyxier pour obliger le gouvernement à négocier. Les négociations précédentes avaient permis à plusieurs membres du groupe rebelle d’être intégré dans l’armée congolaise. Le président Félix Tshisekedi, réélu pour un second mandat le 20 décembre dernier, a refusé catégoriquement toute reprise de négociation avec le M23. Il a eu des déclarations très offensives pendant la campagne électorale et a été jusqu’à menacer de déclarer la guerre à Kigali. La RDC accuse le Rwanda et ses « supplétifs » du M23 de vouloir faire main basse sur les minerais de l’Est congolais, ce que réfute Kigali. Jusqu’à présent aucune des initiatives diplomatiques lancées pour tenter de résoudre cette crise n’a pas abouti.