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Un vendeur tire de l’or dans le territoire de Walungu, au Sud-Kivu, en avril 2014. STRINGER . / REUTERS
Pneus qui flambent, routes barrées, tirs de gaz lacrymogènes… Lundi 13 septembre, les habitants de Kitutu et de plusieurs villages du territoire de Mwenga se mobilisaient pour réclamer le départ des « Chinois ». Ce n’était pas la première fois. Depuis quelques mois, les manifestations contre l’exploitation « illégale » de l’or par des sociétés étrangères ont pris de l’ampleur au Sud-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).
Certaines sont soupçonnées de détruire les champs et de polluer l’environnement. « On ne peut plus boire d’eau chez nous à cause du cyanure utilisé pour l’exploitation de l’or par les Chinois. La communauté se demande quelle sera sa part dans tout ça », s’interroge Espoir Balangaliza, un habitant du village de Luhwindja, dans le territoire de Mwenga. D’autres entreprises sont accusées de ne pas indemniser les riverains ou, au mieux, de mineures ces indemnisations.
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« Les premiers remous sociaux antichinois remontent à 2019 », explique Adrien Zawadi, président du Bureau de coordination de la société civile du Sud-Kivu. « Le problème, c’est que la population doit toujours se contenter des miettes », poursuit le militant. Son organisation estime qu’en trois ans, entre six et trois entreprises à capitaux chinois seraient apparues dans la province.
Des contrats frauduleux
La grogne a poussé les autorités provinciales, fin août, à suspendre les activités de six entreprises soupçonnées d’« abus » manifestes et « multiples » sur le territoire de Mwenga. Si cette décision a été contestée par la ministre congolaise des mines, la montée du mécontentement populaire a fini par alerter Kinshasa, à 2 000 km de là. Une commission parlementaire composée de huit députés a été envoyée dans l’est, le 13 septembre, pour enquêter sur « l’exploitation illégale des ressources naturelles ».
La tâche s’annonce ardue : il n’existe à ce jour aucune liste précise des sociétés minières à capitaux chinois présentes dans l’est de la RDC. Certaines sont enregistrées au cadastre avec des permis miniers, d’autres exploitent le minéral sans autorisation ou sur la base de contrats frauduleux contestés par les organismes de la société civile.
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Pour tenter d’y voir clair, les députés en mission à Bukavu, la capitale du Sud-Kivu, ont entendu pendant quatre jours des dizaines d’acteurs du secteur minier. Bien que les dirigeants des entreprises mises en cause n’étaient pas fait le déplacement, « les auditions ont été très musclées », rapporte un juriste congolais commissionné par l’une de ces sociétés. Les élus se sont également rendus à Mwenga, à une centaine de kilomètres plus au sud.
Un rapport doit être rendu par les parlementaires dans les jours à venir, mais le ton est d’ores et déjà donné par Jean-Claude Kibala, à la tête des enquêtes : « La situation est déplorable, confie-t-il. Aucune société n’est dans une situation régulière. »
Une production non déclarée
Le problème dépasse les entreprises chinoises mises en cause. La grande majorité de l’or produit en RDC n’est pas déclarée. Selon une analyse publiée en mars 2019 par l’Institut allemand des géosciences et des ressources naturelles (BGR), la production nationale d’or artisanal serait de 15 à 22 tonnes par an. Or, à en croire les chiffres du ministère des mines, la production artisanale en 2020 était seulement de 17,76 kg pour le Sud-Kivu, première région aurifère du pays.
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Sur le terrain, l’hostilité est principalement dirigée contre les Chinois et l’affaire est prise très au sérieux à Pékin, où le ministère des affaires étrangères a demandé aux entreprises accusées d’abus par les autorités provinciales de quitter le Sud-Kivu. Wu Peng, le directeur général des affaires africaines, a tenu à préciser sur son compte Twitter, le 14 septembre, qu’elles seraient « punies et sanctionnées par le gouvernement chinois ».
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Ces sociétés rétorquent qu’elles respectent la loi congolaise. Car si le Code minier réserve aux nationaux l’exploitation artisanale, un arrêté ministériel de 2010 autorise les coopératives minières locales à s’associer avec un partenaire étranger. « Mais les accords sont signés avec des coopératives de façade créées par les sociétés chinoises pour les besoins de la cause », s’indigne Benjamin Bisimwa, délégué de la société civile sur les questions minières. Qui plus est, dénonce-t-il, la répartition des bénéfices est toujours « inégalitaire ».
Ainsi, selon l’accord de partenariat entre la société à capitaux chinois Congo Blueant Minerals (CBM) et la coopérative minière artisanale Comibi signé en septembre 2019 et auquel Le Monde Afrique a eu accès, 80 % de la production revient à l’entreprise asiatique , contre 5 % pour la coopérative, les 15 % restants étant destinés aux communautés et aux autorités locales.
Complicité des administrations
Pour le député Jean-Claude Kibala, « la tricherie est organisée avec l’appui des services de l’Etat ». Cette complicité présumée de certaines administrations accroît le ressentiment des populations dans l’est de la RDC, une région gangrenée par l’insécurité. Le général Bob Ngoie Kilubi, commandant de la 33e région militaire, a assuré devant la commission d’enquête avoir reçu des instructions de sa hiérarchie pour sécuriser le périmètre de Mwenga. Pourtant, l’état-major des armées interdit théoriquement la présence de militaires sur les sites miniers, pour éviter d’attiser les tensions.
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Selon le rapport du groupe d’experts des Nations unies sur la RDC publié en juin 2020, certains membres de l’armée congolaise « ont fourni une protection » à l’entreprise CBM. « Les entreprises bénéficient d’une situation sécuritaire exceptionnelle », souligne Jean-Claude Kibala. Au détriment des locaux, en proie aux attaques des nombreux groupes armées qui déstabilisent la région depuis plus de vingt ans. « Il ne faut pas faire la sécurité par rapport à celui qui a les moyens, il faut faire la sécurité pour tout le pays », conclut le député.
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