Vahid Halilhodzic, quel est votre meilleur souvenir dans un Classique en tant qu’entraîneur du PSG (2003-2005) ?
Vahid Halilhodzic : J’ai participé à cinq matches entre le PSG et l’OM. Sur ces cinq rencontres, nous l’avons emporté à chaque fois (trois succès en championnat, un en Coupe de France et un en Coupe de la Ligue). Il y a quelques matches mémorables qui m’ont apporté beaucoup de fierté comme cette victoire à domicile en 2004 (2-1) après avoir évolué à dix pendant près de 70 minutes. Je pense également à ce succès en Coupe de la Ligue au Vélodrome (2-3) en novembre 2004 où j’avais aligné une équipe bis (Ateba, Helder, Badiane, Pichot, Boskovic et Benachour avaient été titularisés au coup d’envoi) . Nous avions réalisé un super match avec un doublé de Branko Boskovic. Il y a également cette victoire acquise fin 2003 à Marseille avec ce mais de Fabrice Fiorèse à la suite d’un tir de Pedro Miguel Pauleta repoussé par Vedran Runje.
Dans le sens inverse : quel est votre pire souvenir face à l’OM ?
VH : Après ce match que j’évoquais à l’instant, nous avons eu des problèmes lorsque notre bus est sorti du stade (rires). On a été arrosé par une pluie de cailloux. Je me souviens qu’une ou deux vitres avaient été cassées. On s’est caché derrière les sièges pour tenter de se protéger. Les rencontres entre Marseille et le PSG étaient toujours tendues. Dans la semaine, on parle beaucoup de ce match dans les médias. Ça se joue beaucoup sur le plan psychologique. Il y a beaucoup de provocations. C’est pour ça que le sentiment de fierté était très important quand on l’emportait face à l’OM.
Quel était votre discours dans le vestiaire avant d’affronter Marseille ?
VH : Quand nous évoluions au Vélodrome, l’idée était de ne pas donner d’avantage psychologique aux Marseillais en début de match. Pour moi, mes joueurs devaient montrer dès le départ qu’ils étaient là pour gagner sans se préoccuper des provocations lieux du terrain et des tribunes.
Est-ce que ce match représente la plus grosse ambiance de votre carrière en tant que joueur et entraîneur ?
VH : À l’époque, il y avait une grosse concurrence entre les deux équipes. Maintenant, le PSG, avec toutes ses vedettes, est beaucoup plus fort. Il y a vingt ans, c’était plus équilibré. Sur le terrain, les duels étaient très engagés. C’est pour ça que les victoires à ce moment-là avaient plus de saveur que celles d’aujourd’hui. Mais pour répondre à votre question, les derbies les plus chauds restent ceux que j’ai connus à Casablanca entre le Raja et le Wydad. L’ambiance y est indescriptible. Les Lille-Lens, c’était pas mal aussi à une certaine époque.
Faut-il s’inquiéter pour la qualification du PSG ?
“Je pense que Fabrice Fiorèse a raté sa carrière à cause de ce choix”
Comment avez-vous vécu le célèbre lob de Pedro Miguel Pauleta sur Fabien Barthez au printemps 2004 ?
VH : On savait que Pedro était très malin. Il a attiré Fabien Barthez sur le côté gauche et après il a marqué dans un angle assez difficile. Quand il a inscrit ce but, j’ai ressenti un bonheur énorme. Il y avait aussi un plaisir collectif à ce moment-là sur le banc. Vous savez quand je regarde les matchs aujourd’hui, je me focalise sur le banc de touche quand il y a un but. Parfois, vous pouvez voir que certains joueurs, par rapport à leur situation personnelle, préfèrent que leur équipe perdue. Cela arrive assez régulièrement.
Il y a vingt ans, le match PSG-OM (2-1) avait été marqué par le traitement très sévèrement reçu par Fabrice Fiorèse (il avait quitté Paris pour Marseille dans les dernières heures du mercato estival) sur la pelouse du Parc des Princes. ..
VH : Écoutez, je n’aime pas trop parler de ce transfert, car c’est inexplicable. Quelle faute il a fait pour sa carrière ! En début de saison, il avait prolongé son contrat pour quatre saisons supplémentaires. Il était vice-capitaine et candidat à l’équipe de France. Puis à un moment donné, il a dit : “je veux partir”. Je n’ai rien compris. Quand je pense à ça, pffff… Je pense qu’il a raté sa carrière à cause de ce choix. Quand vous prolongez pour quatre ans, c’est que vous donnez une confiance totale pour l’avenir du club.
Est-ce que vous lui en voulez encore ?
VH : Non. C’est lui qui s’est trompé avec ce choix. Moi, j’étais surpris et consterné. Il avait fait la meilleure saison de sa vie en 2003-04.
A l’époque, vous avez été confié avoir vomi lorsque vous avez appris cette nouvelle…
VH : Oh là là, après il a raconté des choses, c’était invraisemblable (à l’époque, Fabrice Fiorèse avait annoncé que les méthodes de son entraîneur au PSG s’étaient “durcies”). J’étais vraiment dégouté. Moi, je ne veux plus parler de ça.
Frédéric Déhu, transféré du PSG à l’OM pendant l’intersaison 2004, avait également été sifflé par les supporters parisiens…
VH : Pour Frédéric Déhu, c’était autre chose. Il arrive en fin de contrat. Il n’a pas accepté notre proposition, car il exigeait beaucoup plus. Vous savez à ce moment-là, le club était dans une crise financière énorme. L’actionnaire principal de l’époque exigeait des restrictions de partout. Pourquoi le PSG n’a pas pu garder Ronaldinho en 2003 ? Parce qu’il ne pouvait pas supporter son salaire et les autres choses programmées dans son contrat. Je me souviens qu’on avait joué la Ligue des Champions 2004-05 avec des joueurs prêts ou qui étaient arrivés libres. Si j’avais eu le budget que le PSG a aujourd’hui, je serais quintuple champion d’Europe sans aucun problème. Sans aucun problème ! Ça, c’est sûr et certain.
Vahid Halilhodzic aurait rêvé d’un duo Pauleta-Ronaldinho au PSG.
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“La DNCG aurait pu rétrograder le PSG en L2 s’il avait gardé Ronaldinho”
Avant votre arrivée à l’été 2003, vous avez retenu la main de Ronaldinho lors de sa sortie du terrain lors du match PSG-Rennes. Est-ce qu’à l’époque les dirigeants du PSG vous avaient promis qu’il resterait ?
VH : Au début de la préparation, on m’a dit : ‘on ne peut pas garder Ronnie’. Le président Francis Graille voulait le vendre car la situation financière était catastrophique. Les dirigeants m’ont montré le contrat annexe de Ronnie. Ils ne pouvaient pas supporter cette charge économique et à l’époque la DNCG aurait pu rétrograder le PSG en L2 si on le gardait. Moi, au départ, on m’avait promis qu’il resterait. J’avais eu une discussion de trois heures, dans les locaux de Canal+, avec Ronnie. Lui voulait rester encore un an, mais sa famille, son frère et son agent faisaient tout pour qu’il parte ailleurs. A ce moment-là, je voulais même quitter le PSG car je me suis senti trahi. Moi, mon rêve était d’associer Ronaldinho et Pedro Miguel Pauleta. Mais malheureusement, on n’avait pas l’argent pour ça.
C’est aussi pour cette raison économique que le PSG n’a pas pu conserver Juan Pablo Sorin à l’été 2004 ?
VH : Il sortait d’une super saison avec nous. Je voulais qu’il reste en vue de la Ligue des Champions. Mais malheureusement, lui a demandé de jouer la Copa America puis les Jeux Olympiques à Athènes avec l’Argentin. Après, il réclamait un mois de vacances. Moi j’avais dit : ‘c’est impossible’. Sans parler du contrat qu’il exigeait donc c’était compliqué. Bien sûr que je le voulais avec nous, mais on n’avait pas les capacités financières à ce moment-là.
Juan Pablo Sorin a été un élément phare du PSG de Vahid Halilhodzic en 2003-04.
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