L’épidémie de mpox se propage à un rythme alarmant en République démocratique du Congo (RDC). Selon le ministère de la Santé, toutes les provinces du pays sont désormais touchées. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré mercredi 14 août que la recrudescence de cas non seulement en RDC mais aussi dans un nombre croissant de pays d’Afrique constituait une urgence de santé publique de portée internationale. Déployant des équipes d’urgence depuis la mi-juin, Médecins Sans Frontières appelle à une mobilisation de tous les acteurs afin d’apporter une réponse globale et de protéger au plus vite les populations les plus à risque.
Anciennement appelée Monkeypox, « variole du singe » en français, la mpox est une maladie provoquée par le virus de la variole simienne. Les symptômes courants comprennent des éruptions cutanées, des lésions et des douleurs. La plupart des patients se rétablissent dans l’espace d’un mois mais la maladie peut être mortelle. Les traitements, qui permettent de gérer les symptômes et d’éviter les complications, ne sont disponibles que dans certains pays.
Se propageant par des contacts étroits entre individus ou avec des animaux infectés, la mpox est endémique en Afrique centrale et de l’Ouest depuis les années 1970, mais elle a connu une propagation rapide dans le monde en 2022-2023, avec des dizaines de des milliers de cas liés à la variante ouest-africaine recensés dans plus 110 pays.
En RDC, le nombre de cas a triplé en 2023, avec plus de 14 600 cas suspects notifiés et 654 décès. En 2024, la situation s’est encore aggravée. Depuis janvier, le pays a enregistré 15 664 cas potentiels et 548 morts, selon le dernier rapport du ministère de la Santé congolais publié le 15 août. À titre de comparaison, l’OMS estime que la mpox a coûté la vie à 89 personnes dans le monde en 2022.
Nouvelle mutation génétique, nouveau mode de transmission
L’accélération de l’épidémie en RDC est particulièrement inquiétante, d’autant que son mode de transmission a changé en raison d’une mutation génétique identifiée au Sud-Kivu. Auparavant, dans cette région d’Afrique, les épidémies de variole étaient principalement liées à une transmission zoonotique (à partir d’animaux). Aujourd’hui, la maladie se transmet d’humain à humain de manière soutenue depuis des mois, sans qu’aucun animal ne soit impliqué.
Cette nouvelle transmission est due à une variante du clade I, appelée clade Ib (le clade 1 est le clade endémique en RDC). Au Sud-Kivu, par exemple, la maladie se propage depuis l’année dernière, de personne à personne (exclusivement), à la fois par des contacts sexuels et des contacts familiaux étroits, ce qui est un phénomène nouveau par rapport à l’ épidémie précédente.
Haut risque dans les camps de déplacés
Au-delà de cette mutation, un autre motif d’inquiétude est que la maladie a été enregistrée dans les camps de déplacés autour de Goma, au Nord-Kivu, où l’extrême densité de la population et la promiscuité rendent la situation très critique. . Les risques d’explosion du nombre de cas sont réels vu les mouvements importants de population dans et en dehors de la RDC.
Or, l’identification des cas, le suivi des malades et les soins disponibles restent extrêmement limités, et l’absence de vaccins dans la région rendent cette situation encore plus difficile. Dans certaines communautés, la perception de la maladie comme étant liée à des pratiques mystiques ou de sorcellerie compliquée aussi à l’adhésion aux mesures de santé publique. Ce qui induit la nécessité de travailler au plus près des communautés.
Rendre la vaccination accessible
La RDC a validé deux vaccins et essaie de s’approvisionner mais à ce stade, il n’y a pas encore de vaccins disponibles. Aussi, les équipes de MSF plaident pour que les doses arrivent au plus vite et en masse pour pouvoir protéger les populations dans les régions les plus affectées et notamment les populations les plus à risque telles que le personnel de santé congolais (en première ligne face à l’infection), les travailleuses du sexe et les personnes déplacées dans les camps.
Selon l’agence de santé de l’Union africaine, Africa CDC, au moins 10 millions de doses de vaccin seront nécessaires pour le continent africain, alors que seules 200 000 sont actuellement disponibles. MSF appelle à des actions concrètes pour faire de la vaccination une réalité en RDC et dans tous les pays africains touchés. D’une part, les pays qui possèdent des stocks importants de vaccins de type MVA-BN (le seul approuvé par l’Union européenne et les Etats-Unis) et qui ne connaissent pas de flambées actives doivent faire don d’autant de doses que possible à Africa CDC. D’autre part, l’OMS doit encourager les fabricants à augmenter leur production afin que l’Alliance internationale du vaccin GAVI et l’UNICEF puissent acheter des doses en quantité suffisante et assurer leur distribution.
Il est également urgent de faire baisser les coûts. Le vaccin MVA-BN est hors de prix pour la plupart des pays à revenu faible et intermédiaire. Le laboratoire pharmaceutique danois Bavarian Nordic doit revoir sa politique de prix et sceller un partenariat avec l’un des fabricants de vaccins émergents en Afrique pour un transfert de technologie complet et rapide, afin qu’un vaccin protégeant contre une maladie endémique en Afrique puisse également être produit sur le continent africain à l’avenir.
Déploiement des équipes MSF
Depuis le 17 juin, MSF mobilise ses équipes d’urgence dans les provinces du Sud-Kivu, du Nord-Kivu, de l’Équateur et du Sud-Ubangi pour soutenir les autorités sanitaires locales. Plus de 1 159 patients ont été soignés.
Dans le Sud-Kivu, MSF soutient la prise en charge des cas graves via un centre d’isolement à l’hôpital d’Uvira, ainsi que le suivi des cas simples et modérés en ambulatoire, et l’isolement des cas suspects. Nos équipes forment également le personnel médical et s’investissent dans le contrôle de l’infection et la sensibilisation des communautés. Elles se chargent également de fournir aux hôpitaux des kits pour les soins et pour le prélèvement d’échantillons de la maladie. A Minova, les équipes ont ouvert un centre d’isolement à l’hôpital général de référence.
Au Nord-Kivu, des activités de surveillance et de sensibilisation ont été mises en place dans les camps de déplacés de Goma, avec en outre un soutien apporté aux structures médicales en matière de triage, d’isolement et de prise en charge des malades.
Dans le nord-ouest du pays, deux autres interventions ont été lancées : une dans la zone de santé de Bikoro, en Equateur, et l’autre dans la zone de santé de Budjala au Sud-Oubangui. Ces interventions devraient durer plusieurs mois. Elles visent également à former le personnel à la prise en charge médicale et psychologique, à renforcer la surveillance épidémiologique, le contrôle et la prévention de l’infection, y compris par la sensibilisation communautaire, notamment en faveur de populations parfois plus difficiles à atteindre, comme les personnes en situation de handicap. Dans l’Équateur, les équipes MSF vont mener une recherche opérationnelle avec les autorités sanitaires pour mieux comprendre la dynamique de l’épidémie et adapter l’approche médicale adéquate.