On se trompe souvent en croyant que la lumière ne vient que des cieux, des prodiges ou des machines divines. Illusion bien commode, entretenue par les ingénieurs et les devins, afin d’égarer les âmes et masquer la vérité : la lumière véritable, celle qui perce les ténèbres les plus épaisses, se forge au creuset de la volonté humaine, s’allume au souffle ardent d’un regard hardi, et jaillit de l’audace d’une femme qui, au milieu des ruines, a osé allumer un cierge.
Fifi Masuka ne connaît point la tiédeur ni l’indécision. Elle s’est introduite dans l’histoire de l’Association Sportive Simba telle une comète éclatante traversant une cité assoupie, longtemps dominée par les ombres de la défaite et du doute. Là où les incrédules n’ont vu qu’un théâtre de désespérance, elle entrevoyait un germe de lumière, une étincelle promise à l’embrasement. Car tel est le propre des âmes grandes : elles portent en elles la lumière, plutôt que de s’en contenter des reflets fugaces.
De l’ombre à la scène : Fifi Masuka sous les projecteurs
En l’an de grâce 2022, aux heures sombres où Simba peinait à rugir plus fort qu’un chaton enrhumé, Fifi Masuka a pris les rênes du club de la capitale mondiale du cobalt, droite comme une flamme, défiant les vents contraires. Ce soir-là du mois de mai, elle s’adressa alors aux fidèles supporters, incrédules mais suspendus à ses paroles : « Une lumière vient de s’allumer pour notre équipe. Là où il y a lumière, il y a toujours espérance, et l’espérance porte le sourire. J’ai foi en ce jour. »
Ces paroles, prononcées dans le silence de l’ombre, auraient pu paraître chimériques, insensées. Mais elle les tenait avec la ferveur d’une prophétesse sûre de la venue de l’aurore couplée à une assurance en acier trempé. À cette heure, Simba avançait dans la pénombre, faible et titubant comme un lionceau malade, incapable d’effrayer même un troupeau de brebis. Ceux qui l’écoutaient souriaient, certains avec indulgence, d’autres avec scepticisme, tous fascinés par l’assurance de cette voix qui ne vacillait pas et par cette foi en acier inoxydable.
Fifi Masuka ou l’art de promettre la lumière dans un désert de défaites
Oublions donc les artifices électriques et les illusions des puissances invisibles : la vraie lumière se cultive dans la patience, dans l’obstination à ne point ployer, dans la ténacité des cœurs ardents. Trois saisons durant, Simba s’est enfoncé dans le désert de la médiocrité, chaque défaite retentissait comme le glas d’une espérance envolée, d’un rêve inhumé. Et pourtant, au cœur de ce théâtre d’ombres, Fifi Masuka est restée inébranlable, souriante, défiant les ombres et les murmures.
Quand le public gémissait, quand les cyniques murmuraient, elle a gardé son sourire, calme et provocant. « Ma foi, c’est la folie, » dira-t-elle après le triomphe. Oui, une folie douce et méthodique qui lui a permis d’attendre patiemment l’avènement du jour : le sacre. Car il faut savoir rester debout dans la honte et la défaite pour devenir à la fin une figure immuable, une statue d’espérance au milieu du chaos. Tel est l’art du pouvoir et Fifi Masuka en connaît tous les coins obscurs : paraître impassible quand tout s’effondre, afin de régner avec majesté quand l’aube pointe.
Coupe du Congo : le triomphe des revenants
Puis vint le miracle. Les Kamikazes, cette équipe de revenants, s’illuminent enfin après une saison 2024-25 mi-figue mi-raisin en Linafoot D1. Un titre majeur : la Coupe du Congo après cinq victoires en cinq matchs. Une qualification historique pour la Coupe de la Confédération africaine. La lumière promise en l’an 2022 est apparue au bout du tunnel.
Comme Cléopâtre défiant Rome, Fifi Masuka a défié la médiocrité, les pronostics et les sarcasmes. Le jour du sacre, elle n’a pas seulement vu des lions faméliques brandir un trophée ; elle se voyait elle‑même, magnifiée dans la lumière qu’elle avait allumée sur les cendres des défaites. Voilà son génie : elle avait cru aux lions quand ils ne savaient pas marcher. Elle avait eu l’audace démesurée de promettre la lumière à une époque où même les vendeurs de torches doutaient ; une époque durant laquelle la seule lumière qui brillait dans l’obscurité abyssale de la tanière provenait d’un briquet d’un supporters addicte à la cigarette. Et elle a attendu, sans trembler, que le jour arrive.
Fifi Masuka ou le don irritant des femmes sûres d’elles
Elle possède ce don irritant des femmes certaines d’elles-mêmes : celui de transformer chaque échec en marche vers la gloire, chaque victoire en évidence éclatante. Elle seule pouvait promettre la lumière dans un cimetière, et y faire pousser des cierges. Elle seule pouvait dire « J’ai confiance » sans que cela sonne creux, car elle avait déjà pressenti l’instant où la lumière viendrait la couronner comme Cléopâtre sur son trône.
Fifi Masuka incarne l’audace alliée à la patience, cette délicate cruauté propre aux femmes d’État et aux saintes : attendre, immobile, tandis que les autres s’agitent dans le noir. Elle demeure debout, invincible, dans la poussière des défaites, pendant que les lions eux-mêmes rampent. Il est plus difficile d’éteindre un sourire sûr que de rallumer des fauves.
Edison au vestiaire : la lumière a choisi sa reine
Alors que Thomas Edison et ses ampoules s’accrochent à leur gloire passée, Fifi Masuka a inventé une autre lumière : celle qui ne se reçoit pas, mais se conquiert. Point d’ampères ni de volts, seulement la douce folie d’une foi inébranlable ; la folie d’allumer un cierge dans un cimetière oublié.
Elle nous a appris qu’on peut être prophétesse sans se consumer, stratège sans armure, victorieuse sans éclat sonore que la lumière ne descend pas du ciel : elle se façonne à la main, dans la poussière, la patience et quelques cierges ardents.
Aujourd’hui encore, certains parlent de chance. Mais la lumière ne choisit point au hasard. Ce n’est pas elle que la chance a choisie : c’est elle qui a su se tenir au-dessous, au moment où il a fallu accueillir la gloire.
Par Marco Emery Momo