Est-il possible de se débarrasser des minéraux de sang ? Les derniers soubresauts du conflit qui opposent la RDC et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) semblent suggérer que non. Comme l’explique une longue enquête du Monde, la zone minière de Rubaya est actuellement le centre d’un immense trafic de Coltan, un minéral dont est extrait le tantale, composant présent dans la plupart de nos smartphones.
Suffisamment préoccupante pour que les États-Unis jugent bon de dénoncer “le rôle que le commerce et l’exploitation illicites de certains minéraux (…) continue de jouer dans le financement du conflit”, la situation est encore plus pour Apple. Le fabricant d’iPhone est en effet accusé par Kinshasa de ne pas en faire assez pour stopper l’exploitation de ces “minerais litigieux”.
Une chaîne d’approvisionnement intégralement contaminée
Extrait sous la menace des fusils, le coltan congolais est acheminé discrètement jusqu’à la frontière ougandaise ou rwandaise ou son historique conflictuel peut être consciencieusement effacé. Les roches sont alors exportées pour être intégrées au circuit de production de nos gadgets technologiques. Cette transhumance permet ensuite au minéral d’être utilisé sans remords par les sous-traitants des entreprises du numérique étasuniennes.
Si le géant californien n’est pas le seul à profiter du “blanchiment” des minéraux privilégié par les forces armées sur place (Samsung, Intel, Tesla ou d’autres sont également concernés), les efforts du fabricant d’iPhone ont été jugés “notoirement insuffisants” par Kinshasa. Les récentes révélations du Monde ont tendance à accréditer cette thèse.
“Au mieux, ils viennent au Rwanda. Ils ont peur de passer la frontière, leurs directions estiment que c’est trop dangereux”, explique une source locale détaillée par le journal. “Ils se gardent bien d’écrire que leurs produits ne contiennent pas de minéraux de sang, car ils savent bien que toute la chaîne d’approvisionnement est contaminée”, résume le militant.
Un trafic quasi institutionnalisé
Les efforts de régulation de la chaîne d’approvisionnement ont en effet prouvé leur inefficacité. Sur place, l’Initiative de la chaîne d’approvisionnement de l’étain (ITSCI), accord censé assurer une traçabilité des minerais, “ne permet pas d’atténuer efficacement le risque de financement des conflits”, estime un ancien expert de l’étain. ‘ONU concentrée par le Monde. En 2022, l’ONG Global Witness était encore moins tendre, estimant que l’ITSCI « pourrait en fait faciliter le blanchiment des minéraux en provenance de mines contrôlées par des milices ».
Article recommandé :
Or, la plainte de Kinshasa reproche justement à Apple de “s’appuyer sur la certification ITSCI” pour maîtriser l’origine des minéraux importés. Résultat, même la loi Dodd-Frank, justement censée interdire l’approvisionnement en minerais de sang à toutes les entreprises cotées en bourse, se heurte justement aux problématiques de blanchiment des minéraux. Mais si réussir à se fournir en minéral propre est certes une jauge, le fabricant néerlandais Fairphone a prouvé que c’était possible. En 2016, l’entreprise se vantait d’avoir réussi à “rendre transparent l’approvisionnement des quatre minéraux de conflit”, dont le tantale.