Le miracle est une chose rare. À Manika, c’était carrément un mythe urbain, un conte de l’impossible réservé aux insomniaques et aux idéalistes désœuvrés. On en parlait à voix basse, entre deux défaites, comme d’un mirage discret. Et pourtant, il s’est produit. Pas comme dans une explosion céleste, mais dans le calme absolu d’une logique écrasante. Au bout d’une saison maîtrisée, le CS Manika a validé sa montée en Ligue 1. Une réalité presque choquante dans sa simplicité, et pourtant… qu’elle semble suspecte.
Un miracle planifié, un mythe devenu routine
Ce qui semblait appartenir aux contes de fées du football congolais, à un rêve, est devenu une vérité implacable. Le club de Kolwezi, capitale mondiale du cobalt, vient d’accéder à la première division de la Ligue 1. À l’origine de cette ascension subtilement fracassante, un homme : Michel Kanyimbu. « Je ne ferai pas de promesses en l’air », lançait-il en septembre 2023. Il y a des présidents qui font des promesses. Et puis, il y a Michel Kanyimbu, qui fait des « miracles ».
Michel Kanyimbu : Un président modeste au culot démesuré
Septembre 2023, Michel Kanyimbu accepte de prendre les rênes du CS Manika en remplacement de Richard Muyej. Il n’a pas seulement pris un club, il a accepté un défi ; il a embrassé l’impossible. « Je n’échoue jamais », disait-il au soir de son élection, dont le suffrage exprimé en sa faveur flirtait avec un score à la soviétique. « Je n’échoue jamais », une phrase qui résonne aujourd’hui comme une menace pour la médiocrité. On aurait pu rire. Mais, on a mal calculé le personnage. Parce que Kanyimbu n’est pas venu pour échouer ni même pour essayer. Il est venu pour réussir avec méthode et obstination.
Le nouveau président affichait une audace qui ferait reculer même un lion devant un troupeau de gazelles. Et pourtant, avec une foi plus solide que des fondations en béton armé, il a cru plus fort que Moïse face à la mer au destin de Manika. Il a transformé un club en déroute en une machine implacable, conquérante. Là où d’autres auraient vu un gouffre, lui a vu un terrain de football prêt à devenir le théâtre de sa gloire. Kanyimbu a osé croire. Un croyant têtu dans un désert de foi ! Il n’a pas construit une équipe. Il a planté une vision arrosée à la sueur, à l’exigence et au respect.
Guy Lusadisu, le général discret de la révolution tranquille
Le paradoxe, bien sûr, c’est que Michel Kanyimbu n’a pas agi seul. Un grand projet a besoin d’un bon exécutant. En football, un visionnaire sans entraîneur, c’est un stylo sans encre. En homme de vision, il s’est attaché les services de Guy Lusadisu, l’entraîneur bâti dans l’ombre des grandes réussites en Ligue 1. Une décision qui semble aussi évidente qu’inattendue. « Il faut parfois reculer pour mieux sauter », disait Guy Lusadisu dans une interview exclusive accordée à Foot RDC en octobre 2024. Il a reculé pour sauter avec la grâce d’un kangourou bien briefé.
Si Kanyimbu est le chef d’orchestre de ce miracle, Lusadisu en est le chef d’orchestre tactique. Ensemble, ils ont consolidé un club que tout le monde pensait inconsolable. Venu avec plus de plans qu’un ingénieur en fin de stage, il a cimenté les ambitions de Manika dans une saison sans suspense : 22 victoires en 30 matchs de Ligue 2 dans la zone centre-sud. Une campagne électorale sans opposition. Une dictature consentie, presque applaudie. Lusadisu n’a pas coaché, il a administré des leçons de football, avec la rigueur d’un notaire et la froideur d’un chirurgien. Chaque match, une dissection. Chaque adversaire, une victime lucide devenant une victime consentante. Le score ? Une formalité. Une dictature douce, acceptée avec la résignation des battus convaincus.
Manika : une dictature consentie et une démocratie des buts
À mi-saison, Kanyimbu remet une couche d’exigence malgré des statistiques encourageantes : 9 victoires, 5 nuls et 1 défaite en phase aller. « Je ne veux pas entendre parler de match nul ni de défaite. » Et l’équipe exécute. C’est peut-être aussi ça le génie de Michel Kanyimbu à qui Koffi Olomide a dédié le titre Cobetox. Il conjugue autorité et affection, stratégie et cœur, dans un monde où le football n’a plus le droit d’aimer.
Avec une rigueur militaire et une inspiration collective, le CS Manika est devenu une machine à gagner propre, sans éclats de voix, mais avec des éclats de buts. La réussite fait du bruit toute seule. Aucune opposition n’a survécu à l’attaque méthodique et implacable de Manika. Résultats ? 13 victoires de rang en phase retour et 2 matchs nuls sur 15. La domination a été aussi douce qu’une tasse de thé, mais aussi implacable. Ensemble, ils ont fait ce que personne n’avait vu venir. Ils ont fait de l’impossible une certitude. Kanyimbu et Manika on transformé l’utopie en feuille de route.
La Linafoot D1 : la fin d’un rêve… et le début d’une évidence
« Nous croyons qu’avec Michel Kanyimbu, Manika ira en Ligue 1 », lançait un supporter le jour de l’élection du nouveau président. Le rêve des Mbigwas de Manika n’est plus qu’un souvenir poussiéreux. Il a été soigneusement enterré dans le mausolée de l’oubli. À la place : la réalité la plus froide et la plus tranchante. La réalité de la Ligue 1, le summum du football congolais. Un objectif atteint. Les Mbigwas de Manika n’évolueront pas dans un fantasme, mais dans une toute autre dimension. La réalité a pris place, et ce n’est pas un hasard. Ce n’est même plus une question de chance. C’est la confirmation d’un travail bien fait, d’une vision solide.
Michel Kanyimbu : un horloger suisse dans la savane congolaise
« J’aime les challenges. Je vais faire ma part, à vous de faire la vôtre », s’adressait-il à ses joueurs. Michel Kanyimbu n’a pas fait que réussir, il a transformé un club en une institution, avec l’efficacité d’un horloger suisse. « Je ne fais pas de promesse, j’agis », faisait savoir Michel Kanyimbu à la mi-saison à son groupe. Il a agi, en posant les bases de la Ligue 1, et a fait de son ambition une réalité indiscutable. Manika avance et continue d’écrire son propre conte – et celui de son président, un homme « qui n’échoue jamais » et qui, avec une précision déconcertante, a placé le club de Kolwezi là où personne ne l’attendait vraiment. La saison prochaine, la Ligue 1 ne sera pas une surprise. Ce sera la suite logique d’une trajectoire imparable.
Par Marco Emery Momo