Derrière le conflit d’organisation de la riposte contre la maladie d’Ebola né après la décision du président Félix Tshisekedi de s’appuyer sur une équipe d’experts dans la conduite de la lutte contre cette épidémie dans l’est de la République démocratique du Congo, il y a aussi le refus de l’expérimentation d’un vaccin belge.
Le ministre de la Santé, Dr Oly Ilunga, a justifié sa décision estimant avoir été désavoué par la décision du président Félix Tshisekedi de prendre le contrôle de la riposte contre l’épidémie d’Ebola, qui a tué 1.737 personnes en un an dans l ‘est de la RDC et dont le cumul des cas est de 2.578, dont 2.484 confirmés et 94 probables, selon le bulletin du ministère de l’Intérieur daté de dimanche.
« Tirant ainsi les conséquences de votre décision de placer la conduite de la riposte à l’épidémie à virus Ebola sous votre supervision directe et anticipant la cacophonie préjudiciable à la riposte qui découlera inévitablement de cette décision, je viens par la présente vous présenter ma démission. de mes fonctions de ministre de la Santé », a écrit le ministre, dans une lettre au président Tshisekedi.
« Comme dans toute guerre, car c’est bien de cela dont il s’agit dans cette lutte, il ne peut y avoir plusieurs centres de décision au risque de créer des confusions (…) L’unicité dans la gestion d’une telle La riposte répond ainsi au triple impératif de l’efficacité, de la cohérence des décisions prises et de la redevabilité”, a expliqué le Dr Ilunga.
Pour lui, la confusion pointe à l’horizon. « La crise d’Ebola en cours n’est pas une crise humanitaire. C’est une crise de santé publique qui intervient dans un environnement distinctif par des problèmes de sécurité ».
Il a déploré « des pressions de toutes parties qui tendent à en faire une crise humanitaire dont les logiques d’intervention consacrent la mise en place d’un système parallèle qui ne renforce jamais le système de santé existant ».
En conséquence, selon le Dr Ilunga, « de fortes pressions s’exercent depuis plusieurs mois pour la mise en œuvre d’une nouvelle expérimentation en RDC » dans la lutte contre Ebola.
«Le seul vaccin à être utilisé dans cette épidémie est le vaccin rVSV-ZEBOV fabriqué par le groupe pharmaceutique Merck», a rappelé lundi le bulletin du ministère de la Santé, en indiquant que 169.976 personnes ont été vaccinées.
« Manque d’éthique »
Le ministre s’était opposé dans une circulaire à l’introduction du deuxième vaccin produit par le laboratoire belge Janssen, filiale de l’Américain Johnson&Johnson, a indiqué son entourage.
« Il serait illusoire de croire que le nouveau vaccin (à deux doses administrées à 56 jours d’intervalle), proposé par des acteurs qui ont fait preuve d’un manque d’éthique manifeste en cachant volontairement des informations importantes aux autorités sanitaires, puisse avoir une incidence déterminante sur le contrôle de l’épidémie en cours», affirme le ministre Ilunga.
Samedi, le président Tshisekedi a nommé une équipe d’experts dirigée par le Dr Jean-Jacques Muyembe, le directeur de l’Institut congolais de la recherche biomédicale de Kinshasa (INRB), pour assurer la « conduite » de la riposte contre Ebola en RDC sous sa « supervision ».
Le Dr Muyembe « a fait partie de l’équipe de recherche ayant enquêté sur la première flambée connue de maladie à virus Ebola en 1976 », peut-on lire sur le site de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Dans son entourage, on indique que certains membres du comité pourraient défendre l’introduction du deuxième vaccin, d’où l’enjeu profond de la démission.
Un autre contentieux entre les deux hommes existe : le Dr Oly Ilunga a été exclu du parti UDPS après avoir intégré le gouvernement Kabila fin 2016, soit près de 45 jours avant la mort à Bruxelles du vieil opposant, père du président actuel.
Pour le parti du défunt fondateur de l’UDPS, Étienne Tshisekedi, il s’agissait d’une haute trahison parce que Tshisekedi-père était soigné dans un hôpital en Belgique où le Dr Oly Ilunga exerçait des hautes fonctions.
La démission du ministre de la Santé intervient également après la décision de l’OMS d’augmenter l’épidémie d’Ebola en cours au rang « d’urgence de santé publique de portée internationale ».
AFP