Quand Sébastien Desabre a posé ses valises à Kinshasa, en juillet 2022, il ne savait pas encore qu’il marchait dans une maison qui sentait encore le brûlé. Le souvenir d’Hector Cuper planait au-dessus de la sélection comme un fantôme qu’on ne parvient pas à convaincre de changer de domicile. Le pays avait tellement mal digéré ce premier “sorcier blond” que l’arrivée d’un second semblait presque une provocation au destin.
Desabre a trouvé une équipe qui jouait avec la prudence d’un chat ayant déjà mis sa patte dans l’eau bouillante. Pas de confiance, trop de doutes, et un public qui observait de loin, prêt à applaudir ou à juger selon la direction du premier vent. Avant même la CAN Côte d’Ivoire, la RDC était mal embarquée dans les éliminatoires. Il l’a dit sans chercher à enjoliver les choses : “pour se qualifier, il faudrait trois victoires et un nul sur les quatre matchs restants”. Il reconnaissait que bâtir un grand collectif demande du temps, et que le temps, chez nous, on le mesure rarement avec patience.
Des débuts timides, un cap qui ne bouge pas
Les premiers matchs n’ont pas déclenché d’enthousiasme. Mais lui n’a pas dévié. Son idée était simple : remettre de la structure. Il répétait que le football moderne repose sur un équilibre entre solidité derrière et créativité devant. Pas une phrase pour séduire, juste une ligne directrice.
Peu à peu, cette constance a payé. L’équipe a retrouvé une trajectoire claire et a fini par valider son billet pour la CAN, alors que tout le monde se préparait déjà à tourner la page avec amertume.
La CAN Côte d’Ivoire : un réveil sans tambour mais avec panache
À la CAN, la RDC était loin des favoris. On ne l’attendait même pas sous la lumière. La phase de groupes n’a pas brillé. Trois matchs nuls, un jeu prudent, parfois figé, mais jamais résigné. On aurait cru à une stagnation. Lui savait qu’il construisait une équipe qui apprend d’abord à ne plus perdre avant d’apprendre à gagner.
En huitième, les Léopards ont tenu tête à l’Égypte jusqu’aux tirs au but. Une séance étouffante, et cette fois, le pays a senti son cœur repartir. Gagné.
Le quart contre la Guinée a changé le décor : un 3-1 clair, assumé. L’équipe se souvenait enfin qu’elle pouvait mordre si elle arrêtait de douter.
La demi-finale contre la Côte d’Ivoire a mis fin au rêve. Une défaite nette, qui pique mais qui ne ridiculise pas. Le genre de revers qui secoue et fait grandir.
De l’élan ivoirien à la confirmation marocaine
Après cette CAN, la RDC n’est pas retombée dans ses vieux réflexes. La qualification pour la CAN au Maroc s’est réglée sans trembler : douze points, première place du groupe et une victoire tranquille contre la Tanzanie pour valider le ticket.
Puis les Léopards ont accroché une place pour les barrages intercontinentaux du Mondial 2026. Pour une fois, un rêve national ne ressemble pas à une illusion montée de toutes pièces.
Même le chef de l’État a salué le sélectionneur. « Merci coach. Vous savez, vous êtes le meilleur coach du monde. » On a senti le sourire derrière l’humour, mais l’essentiel était là : le travail est reconnu.
Même dans la défaite, un discours qui reste droit
Après la défaite contre le Sénégal, il n’a pas sorti le catalogue des excuses. « C’est une déception, mais on continue d’avancer. On n’est pas éliminés. » Et surtout, il a assumé. « Quand on perd, le premier responsable, c’est moi. À moi de comprendre ce qui n’a pas marché. »
Une phrase rare chez nous, où le blâme circule souvent sans jamais s’arrêter.
Les chiffres, témoins vivants d’un changement réel
Les statistiques de Sébastien Desabre avec les Léopards racontent un bout de l’histoire : 38 matchs, 20 victoires, 9 nuls, 9 défaites, 52 buts marqués, 23 encaissés. Rien d’extravagant. Juste une ligne droite dessinée avec soin. Un retour au sérieux.
Ce que les chiffres ne disent pas, c’est le changement d’atmosphère. Le public ne soutient plus par réflexe affectif, il soutient parce qu’il voit. Parce qu’il sent que l’équipe n’est plus ce bateau qui tanguait à la moindre tempête.
Aucune poudre aux yeux. Juste une équipe rebâtie, bloc après bloc. Son parcours n’a rien d’un conte magique. C’est du travail continu, pensé, construit.
Merci Ya Seba
Il faut le dire sans exagérer.
Merci pour la simplicité.
Merci pour la cohérence.
Merci d’avoir transformé une équipe nerveuse en groupe stable.
Merci d’avoir replacé la RDC dans une trajectoire crédible.
Merci d’avoir redonné au football congolais le droit de devenir sérieux sans perdre son âme.
Quand la RDC jouera ses barrages intercontinentaux, personne ne parlera d’un miracle. Ce sera la suite logique d’un travail fait avec passion et abnégation. Et dans les tribunes, dans les rues, dans les salons où l’on suit les matchs avec une ferveur poétique, on se dira peut-être que, pour une fois, le réel n’a pas cherché à nous décevoir.
C’est rare. Et c’est précieux.
Par Marco Emery Momo






