C’était le 19 mai dernier, à Kinshasa. En pleine nuit, un commando armé tente d’attaquer la résidence de Vital Kamerhe. Homme politique en vue, ministre sortant et prétendant au poste de président de l’Assemblée nationale qu’il occupe aujourd’hui, Kamerhe n’était pas chez lui ce soir-là. Le commando a échoué à franchir les portes de la villa. Il abat les deux policiers qui la gardent puis se dirigent vers le palais de la Nation, tout proche, où se trouvent les bureaux du président de la République, Félix Tshisekedi. Les membres du commando se filment alors brandissant le drapeau du Zaïre, nom de la RDC sous le règne Mobutu, le dictateur renversé en 1997. Ils proclament la fin du gouvernement actuel.
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C’est à cet endroit, sur les berges du fleuve Congo, qu’ils sont finalement arrêtés et désarmés par l’armée après plusieurs heures de confrontation. Le chef du groupe, Christian Malanga, un Congolais de 41 ans installé aux États-Unis, est tué lors de l’assaut. Quelle ne fut pas la surprise de découvrir au petit jour, parmi les membres du commando arrêté, le visage poupon de Tyler Thompson, un Américain en chaise et en os. Il n’est d’ailleurs pas le seul dans ce cas. Benjamin Zalman-Polun et Marcel Malanga sont, eux aussi, de nationalité américaine. Avec eux, 48 autres prévenus dont un Belge, un Britannique et un Canadien comparaissaient la semaine passée devant le tribunal à la prison militaire de Ndolo, de sinistre réputation. Le verdict en épargne 14. Tous les autres sont condamnés à la peine capitale, une disposition, soulignant leurs avocats, qui n’est plus appliqué dans le pays depuis 2006.
Au-delà d’une épopée sur le mode pieds nickelés pour tenter de renverser le président Félix Tshisekedi, cette affaire met en lumière la fragilité du pouvoir et la corruption endémique au Congo, pays dont l’est, notamment la région du Kivu, est Depuis de nombreuses années, la proie d’une guerre terrible qui a provoqué la mort de millions d’individus dans l’indifférence presque totale de la communauté internationale.
C’est là-bas qu’on trouve le coltan, minéral dont la propriété est de stocker et de libérer l’énergie électrique utilisée dans les téléphones et les ordinateurs portables. Le Kivu possède 60 % des réserves planétaires de coltan. Mais ce n’est pas tout. Il y a aussi l’or, les diamants, le cuivre, et surtout le cobalt, composant utilisé dans les piles rechargeables. La République démocratique du Congo en possède les réserves les plus importantes au monde dans la région de Kolwezi. Parfois, les ouvriers qui travaillent dans ces mines ne sont que des enfants… Plus d’une centaine de groupes armés se disputent cette manne financière conséquente sur fond de rivalités ethniques, sans parler du Rwanda, jamais en reste quand il s’agit de déstabiliser fils voisin. La RDC accuse d’ailleurs le géant informatique américain Apple d’acheter au Rwanda des minéraux extraits illégalement sur son sol et qui rentrent dans les composants de ses produits. Pour ne rien arranger, la région connaît une recrudescence des cas de mpox, la variole du singe.
Parfois, ce sont des enfants qui travaillent dans les mines
Au Kivu, dans les villages les plus reculés, les massacres sont quotidiens. Des sociétés chinoises, dont l’une des principales s’appelle la Sicomines (la Sino-Congolaise des mines), ont néanmoins mis le pied dans la région il ya quinze ans environ, avec l’approbation bienveillante du gouvernement congolais. Depuis l’élection en 2019 de Félix Tshisekedi, la lutte contre la corruption et les malversations financières est devenue une priorité. Elle est dirigée par l’inspecteur général des finances, un certain Jules Alingete, qui se présente comme le « Monsieur propre » de l’économie congolaise.
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Signe que le fléau de la corruption et l’opacité des flux financiers continuent de gangrener le pays, voilà que ce « Monsieur propre » se retrouve à son tour sur la sellette. Depuis juillet dernier, il est visé par une enquête autour de missions de conseil entre lui et le géant minier Gécamines (Société générale des carrières et des mines).