En Afrique, le journalisme culturel joue un rôle de premier plan dans l’éducation et la sensibilisation des populations. En transmettant des connaissances sur les traditions, les valeurs et les croyances, il contribue à forger une conscience collective, notamment auprès des jeunes générations. Comme le disait l’essayiste suédoise Ellen KEY (1849-1926) : “La culture est ce qui subsiste quand on a oublié tout ce qu’on avait appris.” Le contenu diffusé par le journalisme culturel permet de questionner les évolutions sociales en Afrique.
Par exemple, les pratiques et cultures contemporaines, qu’elles soient musicales, cinématographiques ou littéraires, sont souvent utilisées pour susciter artistiquement des débats sur des thématiques précises. Le journaliste culturel devient alors un passeur, capable de susciter des prises de conscience à travers ses articles ou reportages. Comme l’a déclaré le journaliste culturel ivoirien Christian Hervé Guehi au cours d’un entretien à Medi1TV Afrique : “Le métier de journaliste culturel est très important. Les journalistes culturels doivent comprendre que leur responsabilité est de favoriser la compréhension artistique du public.”
Le journalisme culturel au cœur de la préservation et de la promotion des patrimoines culturels
L’Afrique est une terre de diversités culturelles inestimables. Les traditions orales, les rites ancestraux, les musiques et les danses varient d’une région à une autre, formant un patrimoine immatériel qu’il est vital de préserver. Prenons le cas des griots, ces gardiens de la tradition orale qui jouent un rôle essentiel dans la transmission de l’histoire, des généalogies et des récits. Leur rôle est crucial pour préserver l’identité culturelle des diverses sociétés africaines. C’est là qu’intervient le journalisme culturel. En rendant compte des pratiques culturelles locales et en les mettant en lumière, il joue un rôle central dans leur sauvegarde. Sur sa page Facebook, Sayouba Traoré, ex-animateur de l’émission Le Coq chante sur Radio France Internationale, affirme ceci : “Le meilleur moyen pour une culture de traverser les siècles, c’est la transmission entre les générations.”
La valorisation des patrimoines immatériels, comme les danses, les chants, les contes et les cérémonies ancestrales, fait partie intégrante de cette mission. Le journalisme culturel aide à faire connaître ces expressions locales et parfois à les revitaliser en suscitant un regain d’intérêt. Considérons l’exemple des festivals traditionnels qui se déroulent un peu partout sur le continent. Grâce aux journalistes culturels, ces événements trouvent un écho dans les médias, ce qui contribue à leur pérennisation. De même, les reportages sur l’artisanat, l’architecture ou la gastronomie locale permettent de valoriser des savoir-faire uniques, transmis de génération en génération, mais parfois menacés de disparition.
L’impact économique et social du journalisme culturel
Au-delà de son rôle éducatif et patrimonial, le journalisme culturel a un impact économique considérable. En 2020, selon les chiffres d’Afreximbank, les industries créatives et culturelles en Afrique ont généré 4,2 milliards de dollars et créé 2,4 millions d’emplois. L’industrie cinématographique nigériane, Nollywood, est un modèle qui illustre à quel point la culture peut être un moteur de croissance. En 2023, la banque d’hypothèque nigériane First Generation Mortgage Bank (FGMB) a évalué la valeur de Nollywood à 6,4 milliards de dollars US.
Nollywood, c’est aussi 2 % du PIB du Nigeria et 300 000 emplois directs selon une enquête menée par le journal Jeune Afrique. Le cinéma, la mode, les festivals et autres événements culturels sont de plus en plus reconnus comme des vecteurs de développement économique. En documentant ces phénomènes et en les mettant en avant, les journalistes jouent un rôle essentiel dans l’attractivité de ces secteurs.
Le tourisme culturel attire de plus en plus de visiteurs internationaux qui sont désireux de découvrir des aspects authentiques du continent. Cela se traduit par un regain d’intérêt pour les festivals, les danses, de la musique, les traditions orales et les rites ancestraux. En 2019, et selon les chiffres de la Société Financière Internationale, le secteur touristique représentait 7 % du PIB africain, soit environ 169 milliards de dollars. Des festivals comme le FESPACO au Burkina Faso ou le Festival des Masques de Man en Côte d’Ivoire attirent chaque année des milliers de visiteurs. En couvrant ces manifestations, les journalistes culturels soulignent l’afflux de touristes, renforçant ainsi les économies locales et diversifiant les sources de revenus des populations.
Socialement, le journalisme culturel permet de renforcer le sentiment d’appartenance des individus à une communauté. En valorisant la diversité des cultures africaines, il devient un outil puissant de cohésion sociale. Le développement du journalisme culturel en Afrique est crucial pour l’avenir du continent. Il ne s’agit pas seulement de rendre compte des événements culturels ou artistiques, mais de créer une dynamique qui stimule l’éducation, la sauvegarde des traditions et l’économie.
Pour cela, il est important d’investir dans la formation des journalistes, de renforcer les infrastructures médiatiques et de promouvoir une meilleure visibilité des œuvres culturelles africaines. Au cours de sa chronique “Les Critik’Show de Christian Guehi” et en sa qualité de membre de l’organisation professionnelle des critiques d’art de Côte d’Ivoire, Christian Hervé Guehi a lancé ce plaidoyer : “Les grandes organisations comme l L’OIF, l’UNESCO, etc., doivent organiser des sessions à l’endroit des réseaux des journalistes culturels et critiques d’art en Afrique. Le journalisme culturel doit être au cœur des politiques publiques et privées pour consolider une Afrique résiliente, ouverte sur le monde, mais fière de ses racines.
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