La centrale nucléaire de Pointe-Jarry, le 21 octobre 2024, en Guadeloupe. MOREL / SIMAX / SIPA
Plusieurs heures après une coupure électrique généralisée sur l’île, la situation se rétablit progressivement à la Guadeloupe, dans la nuit de vendredi 25 à samedi 26 octobre. La préfecture a décidé de maintenir l’archipel sous couvre-feu jusqu’à 6 heures du matin « afin de garantir la sécurité et la tranquillité ».
Les équipes d’EDF ont « réalimenté en électricité 126 000 clients » à la Guadeloupe, soit 55 % des personnes touchées, a fait savoir l’énergéticien dans un point réalisé à 2 heures (8 heures à Paris). « Au total, 104 000 clients sont encore privés d’électricité », a ajouté EDF, précisant que la réalimentation des foyers « sera progressive pour assurer la stabilité du réseau électrique ».
« La situation reste fragile et le retour à la normale devrait prendre plusieurs heures, durant la nuit et jusqu’à demain », avait déclaré vendredi soir la préfecture, précisant avoir procédé « à la réquisition des salariés dont les fonctions sont nécessaires au fonctionnement de la centrale ».
Dans la nuit, plusieurs faits de violences urbaines (barricades et poubelles brûlées) ont été constatés dans différentes communes de l’archipel, a indiqué l’Agence France-Presse (AFP) auprès de la gendarmerie.
« Black-out général » sur fond de conflit social
Quelques heures plus tôt, le préfet Xavier Lefort avait accusé « des salariés grévistes » de s’être introduits à 8 h 30 (14 h 30, heure de Paris) dans la salle des commandes de la centrale nucléaire de Pointe-Jarry, et d ‘avoir « provoqué l’arrêt d’urgence de l’ensemble des moteurs ». Cette dernière fournit la quasi-totalité de l’électricité sur le territoire très touristique de près de 380 000 habitants. Selon EDF, 230 000 foyers ont été touchés par cette coupure.
Un conflit social oppose depuis plusieurs semaines la branche énergie de la Confédération générale du travail de la Guadeloupe (CGTG) et la direction d’EDF Production électrique insulaire (PEI) dans le territoire.
Les forces de l’ordre ont dû intervenir, à 9 heures (15 heures à Paris), « afin de sécuriser la centrale EDF après les actions commises par certains de ses salariés », selon la préfecture.
Le président du département, Guy Losbar, s’est dit, dans un communiqué vendredi soir, « particulièrement indigné par les graves conséquences du black-out général (…) suite au sabotage opéré dans la salle des commandes de la centrale thermique ». « Aucune revendication salariale, aussi légitime soit-elle, ne saurait justifier de tels agissements aux conséquences catastrophiques pour les foyers guadeloupéens, pour nos aînés, pour notre système de santé et pour la vie de nos entreprises », a écrit M. Losbar, en appelant à la « responsabilité » de tous.
Le mouvement social, qui dure depuis le 15 septembre, porte sur la mise en œuvre d’un accord signé début 2023, après deux mois de grève des mêmes agents, qui réclamaient une mise en conformité de leurs contrats et de leur rémunération avec le droit du travail, notamment cinq ans d’arriérés de salaires non versés. Il avait déjà provoqué des coupures d’électricité affectant jusqu’à environ 100 000 foyers.
Lundi dernier, la direction d’EDF PEI avait proposé la signature d’un accord que la fédération de l’énergie de la CGTG a refusé, un dernier point d’achoppement portant sur le mode de calcul des congés payés.
Vent d’inquiétude
Sur l’archipel, l’annonce de cette coupure généralisée avait provoqué une certaine inquiétude, concernant notamment la distribution de l’eau et le fonctionnement de l’hôpital. Dès la constatation de la coupure, « les équipes de maintenance ont activé les groupes électrogènes sur l’ensemble des sites concernés », avait fait savoir le centre hospitalier de la Guadeloupe (CHUG) dans un communiqué. « Les unités critiques de l’hôpital disposant d’une autonomie de soixante-douze heures », avait poursuivi le CHUG.
Dans un supermarché du Gosier, près de Pointe-à-Pitre, des habitants poussaient des chars avec plusieurs packs d’eau et certaines marques manquaient déjà dans les rayons, mais rien de comparable aux instants qui précédant l’arrivée d’un ouragan, avait constaté une correspondante de l’AFP. A Jarry, poumon économique de l’archipel, certaines enseignes ont commencé de leur côté à fermer leurs portes, a constaté une autre correspondante.
La Guadeloupe est une zone non interconnectée, ce qui signifie qu’elle doit produire elle-même son électricité pour satisfaire la demande sur le territoire. Sa production électrique dépend à près de 70 % de l’énergie thermique : du fioul pour EDF et des granulés de bois pour la société Albioma, qui fonctionnait encore au charbon jusqu’en juillet.
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