Signé chez le médiateur angolais, le cessez-le-feu entre l’armée congolaise et la rébellion du M23 doit entrer en vigueur dimanche à minuit, prenant le relais de l’actuelle «trêve humanitaire» de quinze jours.
Les armes sont censées se taire dimanche 4 août, à minuit, mettant sur pause l’une des guerres les plus dévastatrices d’Afrique. Un accord de cessez-le-feu a été conclu entre la République démocratique du Congo et le Rwanda dans le conflit qui oppose la rébellion du M23, appuyée par le Rwanda, et l’armée congolaise, au Nord-Kivu, dans l’est du pays. L’annonce a été faite dans la nuit de mardi à mercredi par la présidence angolaise, médiatrice dans cette crise. Le cessez-le-feu doit prendre le relais de l’actuelle trêve humanitaire de quinze jours, parrainée par Washington, qui arrive à échéance samedi à 23h59.
Depuis son réveil, en novembre 2021, après huit ans de sommeil, le Mouvement du 23 mars (M23) ne cesse de grignoter du terrain dans les collines du Nord-Kivu. Il contrôle désormais environ un quart de la région et encercle sa capitale, Goma, autour de laquelle se sont réfugiés des centaines de milliers de déplacés dans des camps de fortune surpeuplés. Fin juin, les troupes du M23 ont réalisé une nouvelle percée, en s’emparant de plusieurs villes du territoire de Lubero, à la faveur de la débâcle de l’armée congolaise et de ses milices supplétives. Selon le dernier rapport des experts onusiens mandatés par le Conseil de sécurité, les officiers rwandais ont «de facto» pris «le contrôle et la direction des opérations du M23». Entre 3 000 et 4 000 militaires rwandais seraient déployés sur le terrain aux côtés des rebelles.
Trêve humanitaire déjà violée
En dépit des preuves apportées par l’ONU et des accusations de la communauté internationale, Etats-Unis et France en tête, Kigali a toujours nié son implication armée sur le territoire congolais. Le président Paul Kagame a cependant justifié à plusieurs reprises l’action de la rébellion du M23, un mouvement à dominante tutsie, par la menace que représentait, pour son pays, la présence des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armée formée par les héritiers hutus des responsables du génocide des Tutsis ayant fui en RDC en 1994. En Angola, c’est d’ailleurs le Rwanda, et non le M23, qui s’est assis à la table des négociations. L’accord de cessez-le-feu a été signé par les ministres rwandais et congolais des Affaires étrangères.
Mais suivra-t-il ? Il sera supervisé par le «mécanisme de vérification ad hoc», qui sera renforcé, a précisé la présidence angolaise, en référence au système de pacification déjà créé en réponse aux violences. Aucun autre détail sur le cessez-le-feu n’a été communiqué. Sur le terrain, les deux premières semaines de trêve humanitaire n’ont été que mollement respectées. Quatre jeunes civils, dont deux enfants, ont notamment été tués le 15 juillet dans un bombardement à Bweremana, localité du Masisi située à une quinzaine de kilomètres à l’ouest de Goma.
Pressions extérieures
Au-delà d’apporter un répit pour les civils et les belligérants, l’intérêt du cessez-le-feu, salué mercredi par la France et la Belgique, est surtout de permettre la reprise des négociations politiques pour un règlement du conflit. A ce stade, rien n’a filtré des discussions en ce sens, ni des conditions d’un éventuel retrait du M23 des zones qu’il contrôle. Paul Kagame peut-il, par exemple, obtenir des garanties crédibles sur le désarmement des FDLR ?
«Le conflit entre le Congo et le Rwanda est extrêmement difficile à résoudre. L’un des acteurs (Kinshasa) profite politiquement des combats. L’autre (Kigali) en tire des avantages matériels. Il est peu probable que ces parties parviennent à faire la paix d’elles-mêmes», décrypte l’analyste Jason Stearns, directeur du Groupe de recherche sur le Congo, dans un article pour Foreign Affairs. Des pressions extérieures sont nécessaires pour contraindre les deux belligérants à faire la paix, estime le chercheur : « Un tiers du budget du Rwanda est alimenté par des aides et des prêts, dont une grande partie provient de l’Occident, ce qui rend Kigali très vulnérable aux pressions américaines et européennes. (…) En 2013, par exemple, le Rwanda avait coupé les ponts avec le M23 après que les pays occidentaux aient retenu des centaines de millions de dollars. Le mouvement s’est alors effondré», rappelle-t-il. En juillet 2024, il en est très loin, apparaissant au contraire en position de force.