« La Monkeypox ? Je ne connais personne qui meurt de cette maladie », affirme Claude, vendeur au marché de Libongo à Kinshasa, sur les rives du fleuve Congo. « C’est un mensonge du gouvernement », soutient le marchand, qui se fait la voix de bon nombre d’interrogés ce jour-là. Pourtant le 14 août, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré « l’urgence de santé publique de portée internationale », son plus haut niveau d’alerte face à l’épidémie de Mpox qui se propage désormais au-delà du continent africain par la voie d’un nouveau variant plus contagieux.
Le docteur Louis Albert Massing, coordinateur médical en RDC de l’ONG Médecins sans frontières, juge « la situation actuelle inquiétante » alors que le nombre de cas rapportés dans le pays à plus que triplé depuis 2022 et ne cesse dès lors de s’accroître d’année en année. Alors que 5 697 cas suspects ont été détectés il y a deux ans en RDC, le bilan provisoire de 2024 atteint déjà 17 801 cas suspects, dont 4 799 cas confirmés et 610 décès fin août.
Une bataille de l’information à mener
« Avant les années 1980, les Congolais se faisaient vacciner contre la variole humaine et étaient protégés de la Mpox par la même occasion », raconte le ministre de la santé, Roger Kamba. « Cette immunité chez les plus jeunes a disparu avec l’éradication de la variole humaine, car la nécessité de vacciner n’existait plus », conclut-il. Bien que la Mpox soit connue depuis des décennies en RDC, un responsable de la riposte sanitaire face au virus à Kinshasa estime qu’on peut considérer la forme actuelle qui circule dans tout le pays, et plus seulement dans quelques provinces, comme une nouvelle maladie. . De graves lacunes de connaissances persistantes dans la population sur le sujet. « Beaucoup de parents confondent les symptômes de la maladie avec ceux de la varicelle et ne font pas ausculter leurs enfants. Les adultes ne savent pas toujours non plus qu’on peut aussi attraper la Mpox par voie sexuelle à cause du nouveau variant. »
Les autorités sanitaires du pays, qui compétentes sur l’aide internationale, contrôlent entre septembre et octobre le lancement d’une campagne vaccinale à destination des populations les plus à risque (enfants de moins de 15 ans et travailleurs du sexe principalement). La communauté internationale s’organise afin de livrer des vaccins : 4,25 millions de doses venant du Japon, 215 000 d’Europe, auxquelles s’ajoutent 100 000 de France et 50 000 des États-Unis.
Des difficultés déjà enregistrées pendant le Covid
Pour atteindre son objectif de vacciner 4 millions de personnes, le ministère de la santé a en outre indiqué son intention de débloquer dans les semaines des fonds afin de mener une campagne de sensibilisation sur les gestes sanitaires et la nécessité de la vaccination. Mais le Kivu, dans l’est du pays, l’un des territoires les plus touchés par l’épidémie de Mpox, est aussi l’un des plus isolés des réseaux traditionnels de communications, en raison de la guerre qui s’y prolonge depuis deux décennies, avec le plus grand nombre de populations déplacées à l’intérieur de la RDC.
Nik Stoop, chercheur à l’université d’Anvers (Belgique), s’est rendu dans le pays en septembre 2021, en pleine pandémie de Covid-19, pour étudier la relation entre le niveau de couverture vaccinale, la confiance de la population portée aux autorités et l’accès à l’information. Sur 600 personnes rassemblées, seulement 22 % ont déclaré vouloir accepter un vaccin contre le Covid-19, alors que 17 % déclarent faire confiance à Félix Tshisekedi, le président congolais, pour représenter les meilleurs intérêts de la population. Les personnes fréquentées restaient très nombreuses à ne pas posséder un téléphone, et à pâtir d’un accès limité aux médias. Les autorités assurent qu’elles s’attellent au problème. « Dans le Kivu, la présidence travaille à obtenir des cessez-le-feu dans les zones occupées afin d’y accéder facilement et y vacciner la population », assure le ministre de la santé.
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Un virus en forte évolution
Découverte chez un patient humain en 1970 en RDC, la variole du singe aussi appelée Mpox est un virus qui se transmet aux humains par les animaux ou personnes infectées par la maladie et se présentant par des éruptions cutanées spectaculaires qui se propagent sur tout le corps du patient.
La propagation d’une nouvelle forme de la maladie, le clade 1b, en RDC, a contraint l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à désigner l’épidémie comme « urgence de santé publique de portée internationale », mercredi 14 août.
Le clade 1b est suspecté d’être plus transmissible et plus dangereux. Ce dernier a fait l’objet d’une pandémie en 2022 dans 75 pays, mais avait eu une mortalité faible (de moins de 1 %).