Hakim Ziyech
Entre polémique sportive et engagement politique, l’international marocain Hakim Ziyech se retrouve au cœur d’une tempête médiatique après avoir pris position sur le conflit israélo-palestinien. Une publication sur les réseaux sociaux, visant les supporters du Maccabi Tel-Aviv après leur défaite face à l’Ajax Amsterdam (5-0) et les violences contre les supporters israéliens, met en lumière le difficile équilibre diplomatique du Maroc. Mohammed VI est pris entre le soutien historique de son peuple à la cause palestinienne et la normalisation avec Israël qu’il mène une marche forcée depuis 4 ans.
La publication de Ziyech était sans équivoque. Partageant une vidéo montrant des affrontements entre supporters après le match Ajax-Maccabi, l’international marocain y ajoute un commentaire cinglant : « Quand ce ne sont pas des femmes et des enfants, ils s’enfuient« . Une référence explicite aux victimes civiles à Gaza qui placent le palais royal dans une position délicate, alors même que le Maroc s’est engagé depuis 2020 dans une politique de rapprochement avec Israël.
Hakim Ziyech sur l’agression des supporters du Maccabi Tel Aviv hier à Amsterdam :
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(IG) pic.twitter.com/A4MGxM0e2A
– BeFootball (@_BeFootball) 8 novembre 2024
Le Maroc entre deux feux
Le silence du palais royal sur cette affaire illustre la complexité de la position marocaine. Depuis décembre 2020, Mohammed VI a fait le pari d’une normalisation avec Israël, en échange notamment de la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Cette alliance stratégique s’est traduite par une multiplication des accords économiques, militaires et culturels entre les deux pays. Mais sans doute aussi des accords technologiques, avec l’utilisation du logiciel d’espionnage Pegasus.
Pourtant, le roi maintient toujours son soutien à la cause palestinienne en tant que président du Comité Al-Qods, chargé de la protection des lieux saints musulmans à Jérusalem. Une position d’équilibriste qui est de plus en plus difficile à maintenir.
Un match sous haute tension diplomatique
L’incident s’inscrit dans un contexte particulièrement sensible. La rencontre Ajax-Maccabi était placée sous haute surveillance, dans une ville d’Amsterdam où les tensions communautaires sont palpables depuis le début du conflit. La large victoire de l’Ajax (5-0) a été suivie d’affrontements dans les rues de la capitale néerlandaise, illustrant la difficulté de maintenir le sport à l’écart des tensions géopolitiques. Les supporters israéliens, beaucoup moins nombreux que les bataves, ont vite été débordé et les affrontements déséquilibrés.
L’instance européenne se trouve dans une situation délicate. Alors qu’elle examinait les incidents survenus en marge du match, la sortie médiatique de Ziyech pourrait l’obliger à se positionner sur un terrain qu’elle évite habituellement : celui de l’engagement politique des joueurs. Une éventuelle sanction contre Ziyech créerait un précédent dans la gestion des prises de position des athlètes sur des conflits internationaux.
Une opinion publique marocaine derrière son joueur
La position de Ziyech correspond à celle des citoyens du Maroc, même si elle est brutalement exprimée et excessive. Si la normalisation diplomatique avec Israël est présentée comme un succès par les autorités, elle reste contestée par la population, traditionnellement favorable à la cause palestinienne. Les manifestations pro-palestiniennes dans plusieurs villes marocaines depuis le début du conflit témoignent de ce malaise, mettant à l’épreuve la stratégie d’équilibriste de Mohammed VI qui est de plus en plus effacée à cause de la maladie qui le mine.
Sur Twitter, c’est un autre message qui circule désormais, ou le joueur accuserait directement le gouvernement de son pays de soutenir un massacre à Ghaza. Une attaque qui viserait directement le Roi Mohammed VI si celui ci maintenait sa position.
La normalisation maroco-israélienne a ouvert de nouvelles perspectives économiques pour le royaume. Les échanges commerciaux ont bondi, passant de quelques millions de dollars à plus d’un milliard de dollars annuels. Des accords de coopération militaire ont été signés, et le tourisme israélien au Maroc connaît un effet spectaculaire. Ces intérêts économiques pèsent lourdement dans la balance diplomatique, entraînant en partie la prudence du palais royal face aux déclarations de sa star du football. En outre, Israël dote le Maroc de nombreux outils de surveillance, outre Pegasus il s’agit également de satellites espions qui permettent de surveiller le territoire et les opposants.
Le silence actuel du palais sur les propositions de Ziyech témoigne de cette position inconfortable, alors que le conflit à Gaza met à l’épreuve les récents accords de normalisation avec Israël. Une éventuelle sanction de l’UEFA obligerait Mohammed VI à sortir de son silence, avec le risque de faire basculer son fragile édifice.