La Croix International : Quelle est actuellement la situation dans votre diocèse, avec une zone occupée par les rebelles du M23 ?
Mgr Willy Ngumbi : Depuis la prise par les hommes du M23 de Bunagana, à la frontière entre le Congo et l’Ouganda, l’instabilité a gagné la région. Les rebelles ont bloqué les routes qui approvisionnaient la ville de Goma en produits de première nécessité. Ils exigent des commerçants qu’ils versent des impôts exorbitants, ce qui rend la vie de plus en plus chère et appauvrit la population.
Ainsi, et cela m’accable particulièrement, le diocèse est coupé en deux, avec une partie sous l’emprise du M23. Cela représente 14 des 33 paroisses qui comptent le diocèse. Dans trois paroisses également, les infrastructures ont été détruites et vandalisées. Il s’agit non seulement des presbytères, mais aussi d’écoles et d’hôpitaux, au point que nous ignorons comment les remettre en l’état après la guerre.
Parmi ces paroisses, deux sont totalement désertées, à Birambizo et Sake. Là, les prêtres ont dû fuir. Je leur avait demandé de se sauver, car les habitants étaient déjà partis et les affrontements s’intensifiaient. Grâce à Dieu, s’étant réfugiés à Goma, ces prêtres suivent de près leurs paroissiens installés dans les camps de déplacés. Ils peuvent ainsi continuer à donner la catéchèse et administrer les sacrements.
Qu’en est-il de vos diocésains en zones sous occupation des rebelles ?
Mgr WN : Un point positif, c’est que les prêtres, religieux et religieuses qui sont dans ces zones n’ont pas abandonné leur service. Douze paroisses des territoires sous contrôle des M23 fonctionnent assez normalement. Grâce à ces consacrées, l’Église reste présente aux côtés de la population qui demeure. Cela est d’autant plus essentiel que lors des affrontements, les habitants se réfugient dans les paroisses, les écoles et les hôpitaux des religieux, convaincus qu’il s’agit des seuls endroits sûrs.
Bien que je ne puisse pas moi-même accéder à cette partie du diocèse, nous restons en étroite collaboration avec les consacrés qui s’y trouvent. Si besoin, je peux déléguer l’un des curés doyens. Dans cette zone, les consacrés peuvent se déplacer pour des réunions, formations, apostolat sans être inquiétés. Dieu merci, jusqu’à aujourd’hui, aucun consacré n’a été agressé ou tué.
Comment voyez-vous votre mission dans cette situation ?
Mgr WN : Notre mission est avant tout de soutenir l’espérance de la population : elle est fatiguée et se envoyée oubliée par les autorités. Les habitants ont l’impression que l’armée locale et ses partenaires sont impuissants face au M23, qui continue à conquérir et à conserver des territoires. Face à cela, nous essayons de maintenir la cohésion sociale entre différentes ethnies et de consolider le vivre-ensemble en favorisant l’amour du prochain et le respect de la dignité humaine.
L’unité du diocèse est également très importante : il faut parvenir à conserver la cohésion de l’Église, malgré le fait que le diocèse soit scindé en deux. Pour ce faire, il faut rassurer les religieux et fidèles qui se trouvent dans les zones de guerre, afin qu’ils ne se sentent pas abandonnés.
Comment les Églises travaillent-elles pour le retour de la paix ?
Mgr WN : Nous œuvrons en œcuménisme avec les Églises sœurs au niveau local et régional en interpellant les fidèles sur l’intérêt commun du retour à la paix. Ces milices sont évidemment formées par les fidèles de l’une ou de l’autre religion. Les prêtres et hommes d’Église qui se trouvent dans les zones de rebelles essayent d’interpeller les rebelles également, dans la mesure du possible.
Nous collaborons également avec la Monusco (Mission de l’ONU pour la stabilisation en RDC, NDLR), avec les organisations internationales et avec le gouvernement provincial. Nous insistons sur la sécurité de la population. Aujourd’hui, trop d’armes circulent dans la ville de Goma, qui connaît une surmilitarisation. Cela crée de l’insécurité, d’autant qu’aux deux millions d’habitants de la ville s’ajoutent trois millions de déplacés. Et ce nombre s’accroît au fur et à mesure que le M23 gagnent du terrain.