En République démocratique du Congo, les femmes jouent un rôle primordial dans l’économie. « Mères ya palais » (femmes au foyer en lingala, NDLR), commerçantes ou encore cheffes d’entreprise, 70 % des revenus domestiques sont générés par des femmes à la fois inspirantes, audacieuses et résilientes.
Entre nécessité et ambition, Espérance Bélau, Sivi Malukisa, Tisya Mukuna, Diane Mwajuma et Josiane Nzeba ont réussi à se frayer un chemin dans le milieu de l’entrepreneuriat en RDC. Chacune à sa manière, ces femmes travaillent d’arrache-pied pour faire bouger les lignes au sein de leur entreprise et de la société congolaise.
Sivi Malukisa, elle fait bouger l’agro-industrie
C’est au cœur de la commune de Kintambo, à 20 minutes du centre-ville de Kinshasa, que Sivi a décidé d’implanter son usine. Sourire aux lèvres, elle porte fièrement le tee-shirt de son entreprise Manitech, une société agro-industrielle dont l’activité principale est la production des pâtes d’arachide, de purée de piments, de la confiture et du miel 100 % congolais. « Nous sommes la première usine en République démocratique du Congo à faire du piment. Nous avons pris les recettes traditionnelles que nous avons modernisées dans une production industrielle », confie Sivi.
Diplômée en biologie moléculaire à l’université de Kinshasa, Sivi Malukisa fonde Manitech après avoir été responsable en ressources humaines. Sa première usine voit le jour en 2013, mais est frappée par une faillite qui oblige l’entrepreneur à mettre la clé sous la porte en 2019.
Face à ce coup dur, Sivi ne perd pas espoir et la chance lui sourit. Manitech est sélectionné et accordé un prêt par le fonds de promotion de l’industrie rattaché au ministère de l’Industrie en RDC. « C’est grâce à ce prêt et au programme COPA PADME du ministère des PME que j’ai pu acheter tout le matériel de mon usine. » Malgré les difficultés au quotidien, comme les coupures d’électricité, Sivi parvient à produire et à commercialiser ses produits dans les supermarchés à Kinshasa. « La pâte d’arachide et le piment connaissent un succès chez nos clients. Aucun de nos produits ne coûte plus de 2 dollars dans les supermarchés. »
Tisya Mukuna, la reine du café kinois
Pari réussi pour cette passionnée d’agriculture. En 2021, Tisya Mukuna lance sa marque de café La Kinoise. C’est sur les hauteurs de Kinshasa, à Mont-Ngafula, que Tisya fait pousser son café. « Ma plantation est unique, mon café a un goût unique et il se démarque des autres. C’est le seul café qui pousse à basse altitude à Kinshasa », avoue Tisya. La gamme La Kinoise donne la part belle aux régions de la RDC. « On travaille avec quatre provinces et on propose quatre saveurs de quatre cafés différents. C’est une façon de montrer les saveurs du café congolais. Au Congo central, on fait le café petit kwilu et, au Kivu, on fait l’arabica », révèle la fondatrice. Avec une production de 12 tonnes par an, le café La Kinoise est vendu à des prix attractifs allant de 50 centimes à 20 euros. Il est distribué dans des supermarchés, des hôtels 5 étoiles, mais aussi dans les rues de Kinshasa par des jeunes formés via le programme Un chariot café Kinoise. Ce programme d’insertion a été mis en place par Tisya Mukuna dans le but de créer de l’emploi.
« Ces jeunes sont formés à la vente durant une semaine avec un diplôme à la fin. Ils sont nos partenaires. » Récemment élue présidente de la FEC (Fédération des entreprises au Congo) des jeunes entrepreneurs, Tisya espère bien mettre son expérience au service de sa mission : « accompagner les jeunes entrepreneurs sur le territoire ».
Espérance Bélau, promotrice de produits issus de la ferme à l’assiette
« La femme n’a pas besoin d’un homme pour réussir en RDC. Je ne me considère pas comme une femme, mais comme une citoyenne du monde », déclare Espérance Bélau. C’est à la suite d’une épreuve familiale qu’Espérance Bélau pénètre dans le monde agricole. « J’ai divorcé. J’ai dû acheter une ferme à l’époque. J’ai investi beaucoup d’argent et j’ai tout perdu avec deux petites filles à charge. Il fallait se battre. » Sa ferme devient son espoir pour subvenir aux besoins de ses enfants. Elle apprend à cultiver aux côtés des femmes dans les champs. Aujourd’hui, Espérance Bélau commercialise et vend sa farine de manioc Asili et du riz local. « Au début, on a commencé avec un chiffre d’affaires de 5 000 dollars et aujourd’hui tous les supermarchés à Kinshasa commercialisent nos farines Asili et nos produits », confesse Espérance Bélau.
Sa nomination en tant que présidente de la Commission nationale des entrepreneuses de la FEC et de la MUFA (Mutuelle financière des femmes africaines) permet à Espérance Bélau d’encadrer, d’accompagner et d’aider les entrepreneuses. « Nous avons un programme de formation à la FEC dans les quatre langues nationales. Nous offrons des modules de comptabilité à ces femmes pour qu’elles puissent apprendre à gérer leur entreprise », affirme Espérance Bélau. La banque Rawbank a lancé en 2010 Lady First, un programme d’accompagnement et de financement pour les entrepreneurs en RDC. « Ça fait cinq ans que je suis dans le programme. Les formations de Lady First apprennent aux femmes à bien gérer et à sécuriser leurs affaires », soutient Espérance Bélau en évoquant le programme d’accompagnement de la Rawbank. « Notre programme a aidé plus de 4 500 femmes directement et indirectement », déclare Joëlle Kabayo, responsable du programme Lady First. Les membres du programme Lady First ont accès à des formations, à des événements, à un réseau de réseautage de femmes d’affaires. Une carte de crédit sans plafond est mise à la disposition des membres.
Mwajuma Tuna Diane-Daddy, la gastronomie congolaise au restaurant La Gazelle
Diane nous accueille à La Gazelle, petit restaurant à la décoration verdoyante, caché dans une cour dans les rues de Kintambo. Originaire de l’est de la RDC et titulaire d’un diplôme de management, Diane pose ses valises à Kinshasa en 2016 dans l’espoir de trouver un emploi. « J’ai déposé des CV partout, mais sans réponse. J’aime cuisiner et je me suis dit « pourquoi pas ouvrir un restaurant ? » confie la jeune femme. Elle puise dans ses économies, à peine 22 000 dollars, et transforme un hangar abandonné en restaurant.
Diane offre quotidiennement à sa clientèle des buffets aux mets typiquement congolais. « Je mets en avant la culture congolaise. J’importe la nourriture de Goma et d’autres provinces car nos clients préfèrent manger bio. » Grâce au bouche-à-oreille, La Gazelle ne tarde pas à se faire connaître. « Par jour, nous naviguons entre 25 et 30 clients. » Diane diversifie également ses offres en proposant un service traiteur à des ONG.
Josiane Nzeba, du wax au Kuba africain
C’est au centre-ville, au cœur du très huppé quartier de la Gombe, de Kinshasa que Josianne confectionne ses tenues africaines et ses meubles au sein d’un vaste showroom de deux étages.
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Rien ne prédestinait cette ancienne communicante à embrasser le milieu de la mode. Autodidacte, la créatrice de JN Design apprend à réaliser des accessoires grâce à une vidéo sur les réseaux sociaux. « Le 19 octobre 2016, j’ai commencé à vendre mes accessoires sur les réseaux. J’ai eu de nombreuses commandes. Tout est parti de là. » Josiane forme des couturières et propose à sa clientèle des accessoires, des tenues et du mobilier avec une touche africaine. « Nos créations se vendent très bien. Par exemple, nous avons les capes en wax et les fauteuils en kuba à 210 dollars. Le kuba est un tissu congolais. Ces mobiliers sont faits par des artisans d’ici. » Ses créations voyagent jusqu’au Moyen-Orient, où JN Design a eu la chance d’exposer ses tenues lors de l’Expo Doha Qatar 2023.