Organisateur des élections nationales dans un pays grand comme l’Europe mais presque dépourvu de routes carrossables relève déjà de la jauge. Que la pauvreté y soit généralisée, l’éducation rare et l’État, déjà faible, confrontée à des conflits communautaires et régionaux, et à des incursions armées, rend le défi colossal. Telles sont pourtant les circonstances dans lesquelles ont eu lieu, à partir du 20 décembre, les examens présidentiel et législatif en République démocratique du Congo (RDC), ancien Congo belge et ex-Zaïre. Un pays dont les deux tiers des 105 millions d’habitants vivent avec moins de 2,20 dollars (2 euros) par jour et où l’espérance de vie ne dépasse guère 60 ans.
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Après des années de guerre sanglante, après une série d’élections chaotiques et contestées, et une première alternance en 2018, le rendez-vous électoral avait valeur de test, à la fois pour le pays et pour le président sortant, Félix Antoine Tshisekedi, 60 ans, fils d’Etienne Tshisekedi – figure historique de l’opposition aux présidents Mobutu puis Kabila père et fils –, mort en 2017.
L’annonce, dimanche 31 décembre, de la réélection, avec plus de 73 % des voix, de celui que ses partisans désignent par l’acronyme « Fatshi » laisse dubitatif quant à son ampleur de raz de marée. De même que les maigres 18 % attribués à son principal adversaire, Moïse Katumbi, ancien gouverneur du Katanga, par une commission électorale dont l’indépendance est contestée.
Les accusations de « coup d’État électoral » portées par l’opposition renvoient à la façon scandaleuse dont le président sortant a abusé des moyens de l’État pour sillonner le pays en avion, distribuer des prébendes aux électeurs et accaparer les médias. Elles mettent également en cause l’organisation chaotique du scrutin, qui a été prolongée de plusieurs jours et marquée par des pénuries de machines à voter.
Habilité politique
Indéniable, la popularité du chef de l’Etat s’appuie sur le parti politique le plus structuré du pays, l’Union pour la démocratie et le progrès social, longtemps symbole d’opposition à l’oppression. Elle procède aussi de l’habileté politique de son chef qui a su se rallier des barons politiques des grandes régions, fermant les yeux sur leur corruption ou leur violence passée. M. Tshisekedi se targue d’avoir mis en place la gratuité de l’enseignement primaire, mais ses promesses de développement se sont heurtées à la corruption généralisée, à une démographie incontrôlée, à la captation des immenses ressources minières du pays par ses voisins de l’Est, à leur exploitation par des sociétés étrangères sans bénéfice pour la population.
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En outre, pour masquer son échec à regagner militairement les territoires conquis dans la province du Nord-Kivu (Est) par la rébellion du Mouvement du 23 mars soutenu par le Rwanda, pour faire oublier les centaines de milliers de personnes déplacées par les combats et les échecs de sa diplomatie désordonnée, le président a utilisé et abusé d’une rhétorique nationaliste et belliqueuse, n’hésitant pas à accuser certains de ses adversaires de ne pas être « complètement congolais ».
Toute la question est désormais de savoir si Félix Tshisekedi saura utiliser la victoire rétentante – mais contestée – qu’il revendique, non pour consolider son emprise, mais pour lutter contre le cancer de la corruption et réconcilier le pays, conditions sine qua non d’ une véritable lutte contre la pauvreté et pour l’unité. Cela suppose d’associer ses adversaires à la reconstruction et à la pacification d’un pays morcelé, attaqué, sans cesse au bord de l’implosion et du chaos.
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