Depuis sa création par la Conférence de Berlin en 1885, jusqu’à ce jour, l’État Indépendant du Congo, devenu successivement Congo-Kinshasa, Zaïre et République démocratique du Congo souffre de la malédiction de son exceptionnalité sur le continent africain. Celle-ci peut se résumer presque en une phrase : « les avantages de la RDC, loin d’être des atouts, sont les vraies causes de ses malheurs ».
C’est le pays de l’éternel recommencement, de la régression à la fois des valeurs et du progrès.
C’est aussi le pays de l’éternel expérimentation des modèles aux contours et aux succès incertains.
De 1960 à 1997 : la période des rêves devenus cauchemards.
Après une période plutôt stable et prospère post unification par le Roi Léopold II de Belgique, puis de colonisation par la Belgique, les dirigeants de l’indépendance ont hérité d’un pays prospère, stable, qui promettait à son peuple des lendemains merveilleux. Hélàs, très tôt, le mal congolais va naître et s’enraciner dans les mentalités des élites, jusqu’à ce jour. Ainsi, donc, le tribalo-régionnalisme, la culture de la promotion de l’assistanat et de la recherche effrénée de la vie facile, vont commencer à ronger les fondements de la jeune République.
C’est la période des débuts des expérimentations des modèles nouveaux mis en place après la Seconde Guerre mondiale.
En accueillant la première mission de paix des Nations Unies, et en étant le pays où périra le Secrétaire général de l’Onu dans un crash d’avion aux causes jusqu’à ce jour non explicitées, la RDC devient aussi une illustration encore actuelle des multiples échecs du système des Nations Unies.
Mobutu au pouvoir ne fera que poursuivre la destruction tant de l’économie que des attributs de la souveraineté nationale.
Ainsi, en institutionnalisant la corruption, en mettant en place la zaïrianisation, sa police politique et son armée personnelle (DSP) tout en externalisant les fonctions régaliennes comme la Défense et la Sécurité ; le culte de la personnalité, le tribalo-régionnalisme dans l’exercice du pouvoir, Mobutu a, pendant son règne interminable enterré les rêves du peuple congolais et transformé profondément et pour longtemps à la fois la société congolaise, et surtout les élites congolaises. La suite sera un recueil de slogans, de promesses non tenues, de recherche de la richesse sans effort et de la culture de l’irresponsabilité dans l’exercice du pouvoir.
De 1997 à 2001 : Quand le rêve congolais disparaît et la révolution volée.
Lorsque Laurent-Désiré Kabila vint avec sa coalition, l’engagement citoyen par l’adhésion massive à l’AFDL, traduisit le réveil d’un peuple en quête de son salut et désireux de prendre son destin en main.
Mobutu et ses acolytes déguérpis, nombreux sont ceux qui crurent en la Renaissance du rêve Congolais.
Hélàs, le Mobutisme ayant élu domicile au sein des élites, Laurent-Désiré Kabila disparaîtra tragiquement avant d’avoir éradiqué les causes du mal congolais. Écartelé par des idéologies et des ambitions aussi différentes que le jour et la nuit, la RDC va toucher presque le fond du gouffre quand le ministre belge des Affaires étrangères s’engage personnellement pour mobiliser la communauté internationale afin d’éviter la disparition de l’ Etat congolais.
Ce sera encore l’occasion de laisser les Nations Unies tenter une expérience de pacification en RDC.
2001-2006 : La période de conciliation des idéologies que tout oppose
Lorsque les diverses négociations entre les diverses factions rivales commencèrent, il fut difficile d’imaginer que la RDC retrouverait son unification tant les ambitions et les idéologies des belligérants étaient opposées.
La communauté internationale réussira un coup de maître en arrachant l’Accord de Sun City qui permet de mettre en place la transition 1+4; la CIAT (Commission Internationale d’Accompagnement de la Transition) et les Institutions d’appui à la démocratie (CEI devenues plus tard CENI; la haute autorité des médias).
Ce périlleux exercice permettra d’organiser un véritable référendum constitutionnel en 2006, d’amorcer la mise en place d’une armée nationale et républicaine non inféodée à un individu ou à un groupe d’individus et aboutir aux premières élections présidentielles et législatives libres, inclusives et plus ou moins transparentes de l’histoire du pays.
Bien que le virus du mobutisme était encore là et avait même gagné tous les niveaux du pouvoir, il était permis de croire de nouveau que le malade, qu’est la RDC, allait entamer sa convalescence.
Ce fut un leurre car, déjà Monsieur Bemba avait réveillé les vieux démons du tribalo-régionnalisme mobutiste enchantonnant « Congolité », « Haine des Baswahili de l’est qui ont chassé Mobutu ».
Le tribalo-régionnalisme ne cessera plus de prendre de plus en plus d’ampleur tout au long du règne de Joseph Kabila jusqu’à ce jour où il a atteint des niveaux inégalés dans l’histoire de la RDC.
2007 à 2015 : la période de l’éternelle haute trahison du peuple par ses élites
Nous voici donc embarqués dans un début de démocratie qui devait changer tant le visage du Zaïre = Mobutu, Démocratie = Mobutu, pour « bâtir un pays plus beau qu’avant dans la paix », tel que stipulé dans l’hymne nationale.
Hélàs, très vite, le virage du nouveau pouvoir va en déconcerter plus d’un.
Mais, étant sortie d’une horrible guerre, toute la communauté internationale va être bienveillante et fermer les yeux face aux dérives dictatoriales, aux violations de la Constitution, des droits humains et à la poursuite des pratiques héritées du mobutisme.
Alors que toutes les conditions sont réunies pour asseoir une paix durable à l’Est, les locataires du pouvoir vont se comporter en chefs de bandes armées contrôlant l’exploitation des mines.
Par ailleurs, aucune réponse ne sera donnée à la crise migratoire née des guerres ayant sévi dans la région depuis les années 90, et qui ont éparpillé des millions de réfugiés et des déplacés intérieurs tant en RDC que dans tous les pays voisins. L’externalisation de la Défense va devenir la nouvelle politique de défense. Ainsi, la mise en place des tristes unités de la garde personnelle du président et ma fameuse brigade « Simba » de triste mémoire au sein de la police nationale.
Ici, il n’est plus question de protéger la population ou d’assurer l’intégrité du territoire, mais; comme sous Mobutu : servir principalement un homme et le protéger contre son peuple.
Des frustrations causées par cette irresponsabilité des dirigeants ayant pourtant reçu l’onction du peuple, naîtront diverses rébellions dont la plus célèbre sera le CNDP qui militera pour la résolution de la crise migratoire et la défense des droits des minorités linguistiques (rwandophones) de l’ HNE. Dans l’euphorie de la démocratie naissante, Kabila montrera sa bonne volonté de donner des solutions durables aux problèmes d’insécurité et de crise migratoire.
Il a signé un accord de paix dit « Accord de Goma » au mois de janvier 2008 avec tous les groupes rebelles nationaux.
Hélàs, pour des raisons que seul Kabila et ses conseillers connaissent, cet accord ne sera jamais appliqué et la guerre ne s’arrêtera que momentanément quand Kinshasa va saboter les négociations de Nairobi entre le pouvoir et le CNDP sous l’égide de L’Onu et de l’Union Africaine.
Comme d’habitude, cet accord du 23 mars 2009, ne sera jamais respecté par Kinshasa, avec comme conséquence, la création du M23 en 2012.
Entre-temps, la Constitution est constamment violée, modifiée selon les souhaits du Président pour asseoir la dictature.
C’est ainsi que les Provinces et le Sénat fonctionneront avec des Institutions sans légitimité jusqu’à la fin de l’ère Kabila car leur mandat prennait fin en 2011.
La loi électorale fera passer l’élection présidentielle de deux à un tour : nous en subirons plus tard les conséquences en 2011, 2018 et aujourd’hui. Le mobutisme sans Mobutu connaît une sinistre progression à tous les niveaux de pouvoir pour dépasser les bornes avec l’avènement de la coalition FCC-CACH, puis de l’Union sacrée de la nation.
2015-2019 : Qunad le tout-sauf-Kabila accouche d’un monstre à plusieurs têtes
Épuisé par les guerres régionales, tribales, la prédation sans limites, la mauvaise gouvernance, la fin théorique du deuxième mandat de Kabila sonnait comme une délivrance.
Cependant, ses conseillers vont combattre près pour rester au pouvoir… quoi qu’il en coûte.
Radicalisé, le pouvoir va provoquer aussi la radicalisation du front politique de l’opposition au sein duquel la société civile jouera un rôle décisif dans la mobilisation interne et externe contre le pouvoir.
Fatigué par les sanctions internationales contre son entourage, Kabila cherchea une voie de sortie honorable tout en s’assurant la préservation de ses privilèges.
En violation tant de la loi électorale que de la Constitution, Kabila va installer Fatshi au pouvoir dans un mépris total des lois et de la Constitution. Ce qu’il ne savait certainement pas, c’était qu’en RDC, il existait pratiquement une seule idéologie depuis 1965 : le mobutisme avec tous les travers cités auparavant qui étaient déjà bien déployés au sein du pouvoir de Kabila même.
Entre l’image plutôt naïve et conciliatrice affichée par Fatshi et sa vraie personne, Kabila aurait échoué à sonder celui qu’il imposa au peuple congolais.
C’est ce manque de lucidité et de capacité d’analyse de la part de Kabila qui nous a conduit aujourd’hui dans la pire version du Kabilo-Mobutisme.
2019 à nos jours : Est-ce la fin des désullions ou la perpétuation des rêves devenus des cauchemards ?
Pour le commun des mortels, en 2019 quand Fatshi prend le pouvoir, malgré les graves entorses aux lois qui l’y ont apporté, on pourrait espérer une autre manière de gouverner.
Le dégré de déception est pire que les espoirs qu’il avait suscités.
La liste est longue, particulièrement en matière de sécurité des personnes et de leurs biens, respect des droits de l’homme, bonne gouvernance, vivre ensemble, etc.
Jamais depuis des décennies, la RDC n’a connu autant de discours racistes, d’actes de xénophobie, de tribalo-régionnalisme.
Depuis 2019, les violations de la Constitution, des actes de haute trahison font partie des règles de l’exercice du pouvoir.
L’impulsivité et l’improvisation (avec toutes leurs conséquences) ont atteint leur apogée avec la tragi-comédie électorale en cours et la mise sous tutelle des armées étrangères.
Le Congolais n’a plus de rêves, il n’a que des cauchemards. Sa compte voix pour menu-frétin, tellement le peuple est dépossédé de ses droits les plus élémentaires, à commencer par le droit à la vie qui passe par l’instauration d’une paix durable et la promotion de l’égalité des chances pour tous .
Conclusion.
Il ne peut y avoir de démocratie et de paix dans la guerre, la haine de l’autre, le racisme et la xénophobie.
Ces poisons de l’humanité doivent être combattus aussi en RDC.
On ne peut tolérer ni discours racistes, xénophobes, ni attaques de même nature, ni toute forme de surenchère tribalo-régionalo-raciste, particulièrement dans un pays meurti par des décennies de conflits mal résolus.
S’agissant de la démocratie et des processus électoraux en RDC, il est à constater que le peuple congolais malgré l’esclavagisation par ses élites, démontre une maturité politique et une soif inextinguible d’entretenir le rêve de « bâtir un pays plus beau qu ‘avant dans la paix et la fraternité plurielle traduite par sa richesse culturelle.
Ainsi donc, comme acteur et observateur de la vie politique congolaise, il me semble opportun de rappeler, surtout aux partenaires traditionnels de la RDC, que sans la paix, il est impossible de vendre la démocratie aux camps de réfugiés ou aux cimetières.
Dans le cas précis de la RDC, cette paix n’exige ni guerre, ni négociations interminables, ni des chars ou des missiles, mais le respect des accords de paix existants par le pouvoir de Kinshasa.
Par ailleurs, des partenaires traditionnels de la RDC, le peuple congolais, livrés à lui-même, attendent plus d’investissement de très haut niveau pour faire taire les armes et arracher une paix durable et le progrès pour tous, propices à la culture du vivre ensemble, respectueux des Droits de l’homme, gages d’une véritable démocratie.
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