Près de 500 000 Congolaises ont été violées ces vingt dernières années. Un militant des droits humains, gynécologue de l’hôpital Pangi de Bukavu, propose la création d’une plateforme internationale pour lutter contre cette arme de guerre.
Ces vingt dernières années, au Kivu, à l’est de la république démocratique du Congo (RDC), la violence est devenue une arme de destruction massive. D’abord perpétrés par les membres des groupes armés qui s’y sont réussis, ces crimes se sont démultipliés, dans l’armée régulière qui incorpore d’anciens rebelles armés ou parmi les civils. Notamment parce que les démobilisés n’ont pas été identifiés, encadrés et, le cas échéant, traduits en justice. La viole est utilisée consciemment comme arme de guerre. C’est dire la cruauté de ce mal qui a frappé 500 000 femmes. Elles sont les premières des victimes et assument de graves conséquences physiques et psychologiques. Viennent ensuite les enfants, ceux qui ont assisté à la viol de leurs parents, en totale impuissance, ceux qui ont été recrutés dans les groupes armés, ont commis des viols. Ils sont bourreaux et victimes, ont été détruits tout en détruisant.
Aujourd’hui, il est plus qu’urgent de trouver le mécanisme qui permettra de lutter contre le viol organisé en arme de destruction massive. Des solutions existent. Comme nous le montrons depuis deux décennies à l’hôpital et la fondation de Panzi à Bukavu (la capitale de la province du Sud-Kivu à l’est de la RDC) pour venir en aide aux femmes victimes de violences sexuelles. Une stratégie de guichet unique a été mise sur pied et des milliers de femmes y ont été prises en charge à tous les niveaux : médical, psychologique, social, économique et juridique.
Des solutions existent aussi pour leur donner la parole. C’est la raison pour laquelle je m’emploie depuis plusieurs mois à la création d’une plateforme internationale des victimes de violences sexuelles, pour mettre un terme au viol comme arme de guerre ou de répression. Congolaises, Syriennes, Iraniennes, Bosniaques… Elles sont les seules à pouvoir s’exprimer sur les drames qu’elles ont connus et les mieux placés pour s’entraider et éviter les viols futurs.
Des solutions existent aussi auprès des garçons, dès le plus jeune âge. Ils doivent être éduqués à respecter les femmes. C’est le préalable incontournable à l’apprentissage du respect et de l’équité au sein des communautés congolaises. Des solutions existent aussi auprès des communautés d’habitants. Elles doivent être sensibilisées aux valeurs de respect envers la femme. Ces solutions plurielles, bien mises en œuvre, pourraient mettre fin aux violences sexuelles.
Pourtant, toutes ces solutions, qui pour des nombreuses sorties femmes de l’enfer donnent à l’avenir davantage le visage d’une promesse, seront radicalement caduques si nous ne sortons pas d’une culture de l’impunité en RDC. Car les viols sont des crimes et ceux qui les ont commis doivent en répondre. Ce qui n’est pas le cas jusqu’à ce jour. Nous sommes dans un contexte où, parmi ceux qui dirigent, vous comptez ceux qui ont commis des abus. Quand les bourreaux passent détenteurs du système judiciaire, il devient compliqué de demander justice.
Un retour à la paix est inimaginable alors que des personnes ont subi des crimes graves, sans qu’aucune justice n’ait jamais sanctionné ces crimes, sans que des excuses n’aient jamais été prononcées, sans qu’aucune véritable réconciliation n’ait eu lieu au sein du peuple. Si la justice traîne, c’est à défaut d’institutions en état de marche et d’un système politique crédible pour les porter. Or aujourd’hui ce système politique crédible n’existe pas. Malheureusement, la justice congolaise n’est pas en capacité d’apporter toutes les réponses qui lui sont demandées.
Pour qu’il y ait justice, nous avons besoin d’un système politique crédible mais aussi utilisant différents mécanismes de justice transitionnelle. La Cour pénale internationale est l’un de ces mécanismes. Son objet n’est-il pas de mettre fin à l’impunité des auteurs de crimes de guerre, de crimes contre la paix et de crimes contre l’humanité ? Et ce partout dans le monde.