Dans le centre de santé de référence de Katako, dans la province de Maniema, dans l’est de la République démocratique du Congo, en novembre 2023. GUERCHOM NDEBO/ALIMA
La riposte en République démocratique du Congo (RDC), épicentre de la flambée épidémique de mpox (anciennement appelée « variole du singe » ou « Monkeypox »), doit s’ajuster à la multiplication des cas.
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Lundi 19 août, le ministère de la santé congolais a tenu une réunion avec l’agence de santé publique de l’Union africaine, le CDC Africa, pour adapter son plan de lutte contre la mpox, moins d’une semaine après que l’ institution panafricaine a déclaré son niveau d’alerte continentale maximale, suivie le 14 août par l’Organisation mondiale de la santé, qui l’a élargie à l’échelle internationale après l’annonce d’un cas de mpox du nouveau clade en Suède , puis en Thaïlande.
En RDC, le dernier bilan, selon le CDC Afrique, faisait état, vendredi, de 17 342 cas suspects, 3 167 cas confirmés de mpox en laboratoire par l’Institut national de santé publique, et 582 morts. « C’est plus que la totalité des cas de toute l’année 2023 », prévient le docteur Louis Albert Massing, coordinateur médical de Médecins sans frontières (MSF) pour tout le territoire. L’ONG française est un partenaire majeur des autorités sanitaires congolaises, qui précisent que les vingt-six provinces du pays ont déclaré au moins quelques cas.
Les enfants premières victimes
Kinshasa a assuré pouvoir compter sur l’acheminement des premiers dons de vaccins dès la semaine du 26 août, a annoncé lundi le ministre de la santé, Samuel Roger Kamba, rappelant qu’il s’agit désormais d’« une urgence continentale ». Si les Etats-Unis ont promis jusqu’à 75 000 doses, l’Union européenne, 215 000 et la France, 100 000, c’est le Japon qui se montre à l’heure actuelle le plus généreux avec l’envoi annoncé de 3,5 millions de doses prélevées sur ses stocks.
Une solidarité internationale dont le pays a bien besoin, au vu du changement d’échelle de l’épidémie et du coût prohibitif du vaccin (100 euros la dose) pour un pays tel que la RDC. Kinshasa avait en effet planifié le déploiement d’un programme de vaccination dans l’Est dès octobre, visant entre 70 000 et 100 000 personnes. Mais face à la dégradation rapide de la situation, il doit pouvoir rassembler 10 millions de doses d’ici à 2025.
Le clade 1b, plus transmissible que celui qui sévit jusqu’en septembre 2023 en RDC, où la mpox est endémique depuis les années 1970, étend son emprise sur ses voisins avec 171 cas déclarés au Burundi – qui ne déplore pour l’instant aucun décès , mais connaît la plus forte progression de la semaine –, en Ouganda, au Rwanda et en République centrafricaine. Plus loin encore, au Gabon et au Kenya. A l’étape de Kampala, Nairobi a annoncé, jeudi, le renforcement de la surveillance sanitaire de ses frontières aériennes et terrestres. Un premier cas du nouveau clade 1b a été confirmé au Gabon, jeudi, par les autorités de santé, qui précisent qu’il s’agit d’un jeune homme de retour d’un voyage en Ouganda.
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« Si nous parvenons aujourd’hui à stopper cette épidémie en Afrique, nous sauvons également des vies ailleurs dans le monde », a déclaré, mercredi, Jean Kaseya, le patron du CDC Afrique, lors d’un point presse.
La situation épidémique a basculé en septembre 2023 avec la découverte du clade 1b par l’équipe de recherche de l’épidémiologiste Léandre Murhula Masirika, de la province du Sud-Kivu (Est), et la diffusion du virus parmi les travailleuses du sexe de la région. Les enfants de moins de 5 ans et les adolescents restent cependant les premières victimes de l’épidémie, représentant plus de 62 % des cas avérés.
« Populations très mobiles »
La question du maintien de la rentrée scolaire, fixée au 2 septembre, était donc sur la table de la réunion ministérielle du lundi 19 août. Elle sera tranchée en fonction de l’avancée de la vaccination et de la létalité constatée dans cette tranche de la population qui peut atteindre 10 %. Environ 3,5 millions de doses seront donc affectées en priorité à cette première population cible pour stopper la transmission intrafamiliale et sur les bancs de l’école.
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Le personnel médical, en première ligne, ainsi que les agents de santé communautaires qui effectuent le travail de sensibilisation et de repérage des cas seront également vaccinés en priorité. Autre population cible : les prostituées et leurs clients, notamment dans l’Est (Nord et Sud-Kivu, Ituri), comme à Kamituga, où l’épidémie s’est enflammée sur les sites d’extraction artisanale d’or.
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« C’est dans ce milieu, chez une travailleuse du sexe prise en charge par une ONG, qu’a été découvert le premier cas de clade 1b, retrace Jules Villa, historien de la mpox et chercheur associé à Sciences Po Paris. Les prostituées et, surtout, leurs clients sont des populations très mobiles qui se déplacent facilement à moto d’un pays à l’autre à travers des frontières très poreuses. »
Un autre problème est lié à la situation sécuritaire très dégradée qui prévaut dans l’est du pays où les groupes armés prolifèrent. Le regain d’activité, depuis trois ans, des deux principaux mouvements rebelles – le M23 (ou Mouvement du 23 mars), actif au Nord-Kivu, ainsi que les Forces démocratiques alliées en Ituri – ont jeté sur les routes plus de 1, 3 millions de personnes. Elles s’entassent dans des camps de fortune souvent dépourvus de structures sanitaires. A l’échelle du pays, plus de 7 millions de Congolais sont des déplacés, selon les Nations unies.
Renforcer le suivi épidémiologique
L’Organisation internationale des migrations ne s’y est pas trompée. L’agence onusienne a lancé mercredi un appel à l’aide internationale pour mobiliser 18,5 millions de dollars (16,6 millions d’euros) d’urgence afin d’aider les acteurs de terrain (MSF, Alima, Acted, Croix -Rouge internationale notamment) à équiper les camps de déplacés pour prendre en charge des malades de la mpox et assurer, entre autres, leur isolement.
Un effort particulier va également être mené pour renforcer le suivi épidémiologique des neuf provinces les plus touchées. La RDC ne dispose que de huit laboratoires de diagnostic de haut niveau, dont deux de séquençage génétique (tests PCR), à Kinshasa et à Goma.
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Et le système sanitaire doit relever chaque jour le défi d’acheminer pour analyser des échantillons de bonne qualité dans un pays grand comme quatre fois et demi la France, qui compte près de 100 millions d’habitants et dont le réseau routier est défectueux.
« Symptômes visibles »
La question de l’acceptabilité d’un vaccin par les Congolais est aussi au cœur des préoccupations des autorités sanitaires. Car celui contre le Covid-19 avait fait monter en flèche méfiance et désinformation. L’épisode du vaccin AstraZeneca, dont certains pays occidentaux s’étaient « débarrassés » en faisant massivement don, notamment aux pays africains, dont la RDC, par le biais du mécanisme d’entraide international Covax, avait pris à renverser l’opinion. publique.
Une inquiétude que tempèrent les acteurs de terrain cependant. « Avec la mpox, nous sommes aujourd’hui en présence d’une maladie aux symptômes visibles, contrairement à ceux du Covid, précise le docteur Abdramane Ombotimbé, coordinateur médical de la mission pour l’ONG Alima, à Goma (Nord-Kivu) . La maladie est d’ailleurs souvent confondue avec la rougeole, pour laquelle les familles sont extrêmement sensibilisées. L’acceptation du vaccin est excellente. »
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« Nous restons prudents car l’arrivée de vaccins inédits est toujours source d’inquiétude, estime Louis Albert Massing, de MSF. Mais, pour beaucoup de Congolais, la mpox est une nouvelle maladie, même si elle est surveillée depuis plus de cinquante ans, car elle est sortie de sa zone d’endémie et le mode de transmission a évolué. Il est donc probable que la demande de vaccination augmente rapidement. »
Un bébé guéri de la mpox et sa mère, dans le camp de personnes déplacées de Kanyaruchinya, dans la province du Nord-Kivu, dans l’est de la RDC, le 18 août 2024. ARLETTE BASHIZI/REUTERS
Sur tout le continent africain, toutes souches confondues, le CDC Afrique a déploré une augmentation de 160 % des cas par rapport à 2023, soit près de 19 000 cas et près de sept cents morts dans treize pays africains.
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