Crédit photo, PASTEF
Légende image, Le président du Pastef Ousmane Sonko a organisé une réunion de levée de fonds (campagne de levée de fonds) pour la préparation des législatives du 17 novembre 2024.Information sur l’article
« Pas un seul centime ne sera prélevé dans les caisses de l’Etat pour financer notre campagne ».
C’est l’engagement pris par Ousmane Sonko, président du Parti africain du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), parti au pouvoir au Sénégal.
Le leader du Pastef par ailleurs Premier ministre s’exprimait à l’occasion d’une manifestation politique de collecte de fonds, à un mois des élections législatives anticipées du 17 novembre.
La salle du Dakar Arena d’une capacité de 15.000 places assises, a affiché comble ce samedi 19 octobre à l’occasion du meeting de fundraising (levée de fonds) organisé par le parti au pouvoir le Pastef, en vue de financer sa campagne électorale pour les législatives de novembre 2024.
A lire aussi sur BBC Afrique :
Pour assister à cette manifestation politique, chaque militant a dû débourser au moins mille francs CFA (et jusqu’à 1 million de FCA pour les ministres) représentant le billet d’entrée et la contribution à l’effort de guerre du parti.
L’opération de levée de fonds a permis de rassembler 500 millions de francs CFA en quelques heures, selon le chef de Pastef qui a fixé à un milliard de FCFA l’objectif final de cette collecte.
Parallèlement, une cagnotte a été lancée en ligne et les contributions s’élèvent actuellement à un peu plus de 80 millions de francs CFA au dernier décompte ce mercredi 23 octobre à 18h.
Crédit photo, CAPTURE D’ECRAN KOPAR EXPRESS
Légende image, Capture d’écran de la cagnotte ouverte pour mobilisateur des fonds pour la campagne de Pastef.
PASTEF et le mode de financement participatif
“Ce que nous avons réalisé aujourd’hui, c’est du patriotisme. Nous n’avons pas utilisé les moyens de l’État pour financer notre campagne, car nous avons la capacité de nous financer nous-mêmes. Ce modèle de financement innovant est ce qu’on appelle un « lien patriotique » », a déclaré Ousmane Sonko.
“Nous avons jugé nécessaire de rééditer cette tradition pour éviter le syndrome qui frappe de nombreux partis politiques au pouvoir en Afrique : la corruption et le détournement des deniers publics”, a déclaré le secrétaire général du Pastef Ayib Daffé.
Depuis la création du Pastef en 2014, Ousmane Sonko a opté pour un mode de financement participatif pour financer les activités de son parti, une innovation dans le contexte politique du Sénégal.
Ce mode de financement inédit où les citoyens sont invités à contribuer, est une stratégie que Pastef et Sonko avaient déjà employée lors des élections précédentes.
Une démarche de transparence saluée par les observateurs et analystes politiques.
“En sélectionnant la contribution directe des militants et des sympathisants au financement de la campagne électorale, alors qu’il est un parti au pouvoir, le Pastef brise les mauvaises pratiques habituelles qui cohérentes à puiser dans les caisses de l’Etat au bénéfice du seul parti présidentiel. C’est une rupture majeure qui doit inspirer tous les pays. Je pense que c’est même une disposition qui pourrait être reprise dans le protocole additionnel de la CEDEAO”, a réagi Nathaniel Olympio, Porte-parole du front « Touche ». Pas A Ma Constitution » président du centre Kekeli-cercle d’études stratégiques sur l’Afrique de l’Ouest, basé à Lomé au Togo.
Crédit photo, PASTEF
Légende image, Afin de mener à bien leurs activités centrales, les partis politiques doivent disposer de ressources financières appropriées.
“Le financement participatif (méthode Pastef) est innovant, en ce sens qu’il permet de regrouper, en un temps record, les moyens nécessaires pour une bonne campagne électorale, mais aussi permet de retracer toutes les opérations pour être en conformité avec la loi. “, déclare Daouda Mine, journaliste chroniqueur judiciaire sénégalais, cité par BBC Afrique.
En effet, au Sénégal, le financement des partis politiques est réglementé par la loi n° 81-17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques, modifiée par la loi n° 89-36 du 12 octobre 1989.
“L’article 3 tiret 3 de cette loi dispose que chaque parti politique doit déposer chaque année, au plus tard le 31 janvier, le compte financier de l’exercice écoulé. Ce compte doit faire apparaître que le parti politique ne bénéficie d’autres ressources que celles provenant des cotisations, dons et jambes de ses adhérents et sympathisants nationaux et des bénéfices réalisés à l’occasion de manifestations.” précise M. Mine.
D’où vient l’argent des partis au Sénégal ?
Au Sénégal, le débat sur le financement des partis politiques revient régulièrement au-devant de la scène en fonction du calendrier électoral. Les prochaines législatives anticipées viennent relancer un débat qui n’a pas encore été définitivement tranché, en l’absence d’un cadre légal qui fixe les conditions de financement public des partis.
Les partis politiques sont des institutions politiques vitales dans les démocraties contemporaines. Ils sont indispensables à l’organisation démocratique ainsi qu’à l’expression et à la manifestation du pluralisme politique. Ils exercent diverses fonctions, qui, à des degrés divers, sont toutes essentielles à la vie démocratique.
Pour mener à bien leurs missions, les partis politiques doivent disposer de moyens financiers suffisants et de ressources propres pour financer leurs activités politiques. Ils doivent se financer sur fonds propres, avec les cotisations de leurs membres ou de leurs militants.
D’où vient l’argent des partis politiques ? Une question qui trouve difficilement réponse dans un milieu qui cultive le secret et l’opacité dans les questions d’argent. Les rapports entre l’argent et la politique sont le plus souvent couverts du sceau de la confidentialité.
L’absence de transparence des acteurs politiques sur les sources de financement de leur parti est à l’origine du manque de confiance qui s’opère entre citoyens et élites politiques.
Traditionnellement, les partis au pouvoir comptaient sur la générosité du leader ou du chef de parti (le président de la République) qui dispose des fonds politiques, pour financer leurs activités.
En l’absence d’un mécanisme de financement public des partis par l’État, le recours aux dons privés et à d’autres sources de financement reste l’option la plus répandue dans les formations politiques au Sénégal.
“Je ne sais pas de quels moyens dispose l’Etat pour vérifier l’origine licite des fonds collectés. En tout cas, s’il est prouvé que l’origine est illicite ou que le parti a reçu directement ou indirectement des subventions de l’État. ‘étranger ou d’étrangers établis au Sénégal, la dissolution du parti fautif est prononcée par décret pris sur le rapport du Ministre de l’Intérieur (article 4 de la loi sur les partis politiques)”, fait remarquer le juriste Daouda Mine.
Le financement des partis politiques par les fonds publics permet à la fois d’assainir la vie publique et d’ancrer l’équité dans la compétition électorale, selon plusieurs observateurs.
Crédit photo, MINE DAOUDA
La participation de l’État au financement des partis politiques est devenue une exigence démocratique et de gouvernance publique ces dernières années en Afrique.
Dans plusieurs pays, les montants attribués aux partis politiques via les dispositifs de financement public dépendent du nombre de sièges au parlement ainsi que du score réalisé par les partis politiques lors des dernières élections.
Au Cameroun, la loi du 19 décembre 2000 relative aux financements des partis politiques et des campagnes électorales distingue le financement des partis politiques de celui des campagnes électorales.
L’État contribue aux dépenses de fonctionnement des partis politiques légalement reconnues par une subvention inscrite chaque année au budget.
Le concours financier de l’État à un parti politique, en dehors des campagnes électorales, vise notamment les activités ci-après :
le fonctionnement de l’administration courante ; la diffusion du programme politique ; la coordination des actions politiques des membres ; la préparation aux consultations électorales ; la participation du parti politique aux différentes commissions électorales prévues par les législations en vigueur.
Pour promouvoir l’expression démocratique, la loi a réparti la subvention en deux tranches :
la première tranche est attribuée aux partis politiques proportionnellement au nombre de sièges respectifs à l’Assemblée nationale ; la deuxième tranche n’est servie qu’aux partis politiques ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés dans au moins une circonscription au cours de la dernière élection législative.
L’existence d’un parti politique est subordonnée à l’autorisation du ministre chargé de l’Administration territoriale. Ainsi, le financement public est destiné aux partis politiques légalement reconnus.
En Côte d’Ivoire, un projet de loi sur le financement des partis politiques a été adopté depuis 2004 puis modifié en 2013. Le texte qui détermine les modalités de financement des partis politiques stipule que les partis politiques ivoiriens sont éligibles au financement public selon les dispositions définies par la loi.
Cette loi censée offrir des gages d’efficacité, de transparence et d’équité dans la gestion des ressources publiques, impose à l’État de consacrer un millième de son budget annuel soit environ 2 milliards de francs CFA, aux subventions autorisées aux partis. politiques selon les conditions définies.
Au Togo, la nouvelle charte des partis politiques adoptée le 24 mai 2022 par les parlementaires fixe les modalités de financement public des partis politiques. Désormais, la subvention accordée aux partis se fait sur la base de la représentativité électorale.
Les 2/3 des ressources à allouer seront destinés aux partis représentés à l’Assemblée nationale, proportionnellement au nombre de leurs députés.
S’agissant du 1/3 restant, il sera réparti entre les formations politiques ayant recueilli 2 % des suffrages au plan national, à l’occasion des élections législatives.
Crédit photo, Nathaniel Olympio
Alors que dans les démocraties modernes les partis dépendent souvent de subventions publiques, de tels systèmes de financement n’existant que dans deux niveaux des pays africains.
De plus en plus de voix s’élèvent au niveau de la société civile africaine et dans les milieux politiques pour plus de transparence et d’équité dans le financement des campagnes électorales et des partis politiques qui sont les garants des libertés publiques et de l’ expression démocratique.