Lors de sa 12e édition à Londres, qui s’est déroulée du 10 au 13 octobre, la Foire 1-54, dédiée à l’art contemporain africain, a accueilli un stand bien particulier, celui de To.org. Au premier regard, on découvre une sélection d’œuvres d’artistes confirmés comme des peintures de la Sud-Africaine Esther Mahlangu, de l’artiste malgache Joël Andrianomearisoa, mais aussi des sculptures du franco-algérien Fayçal Baghriche ou des toiles de l’ Égyptienne Ghada Amer. Ces œuvres sont présentées non par une galerie, mais par une organisation humanitaire, ou plus exactement une plateforme collaborative et créative. « Cette exposition a été conçue sur le thème de l’identité. Nous avons réuni plusieurs artistes qui ont mis des œuvres en consigne chez nous. C’est une exposition à but lucratif pour une association à but non lucratif qui opère dans les camps de réfugiés », explique Mehdi Dakhli, directeur artistique de To.org. « Dès le premier jour de la foire, deux œuvres ont été vendues – une sculpture et une toile – à une grande institution internationale. Nous avons eu de très bons retours, beaucoup de gens nous disent qu’on a un très beau stand. Nous avons de très grands artistes qui participent à l’exposition et nous sommes très heureux de leur participation et de leur soutien », poursuit-il.
Les œuvres vendues contribueront à financer le projet de construction d’un centre de bien-être physique, mental et spirituel dans le camp de réfugiés de Kakuma au Kenya. Les travaux devraient démarrer au premier trimestre 2025. Établi en 1992, dans le nord-ouest du pays, le camp qui abrite aujourd’hui près de 285 000 personnes, selon To.org, est l’un des plus grands au monde. Il héberge des familles lieux du Soudan du Sud, de Somalie, d’Éthiopie, du Burundi, de République démocratique du Congo, d’Érythrée, d’Ouganda et du Rwanda. En tout, 19 nationalités.
Au-delà du symbole, défendre l’accès aux lieux culturels
Pour ce projet, la Fondation To.org s’est associée à l’architecte sud-africaine Sumayya Vally et son cabinet Counterspace. Le centre, baptisé Regenerate Kakuma, propose des activités de remise en forme (fitness, yoga, méditation) mais aussi des activités éducatives et culturelles. Les espaces extérieurs seront aménagés, avec un terrain de basket-ball, mais aussi en zone d’agroforestière pour développer les compétences agricoles de la communauté et fournir des produits frais.
Le bâtiment s’inspirera de la diversité des populations, de l’environnement et des termitières avec un toit en escalier destiné à se fondre dans le paysage. « Les termitières, symboles de résilience et de force communautaire, servent de fondement métaphorique à la conception du centre, intégrant les leçons de la nature dans l’architecture », confie Sumayya Vally au magazine anglais Dezeen.
C’est en visitant le pavillon Serpentine 2021, inspiré de l’architecture des communautés de migrants de Londres, que Nachson Mimran, cofondateur de To.org, a eu l’idée de travailler avec sa créatrice Sumayya Vally.
Le bâtiment sera construit à partir de pierres de la région de Turkana, avec des puits de lumière qui offriront un éclairage naturel dans les espaces intérieurs. Le design s’inspire également des traditions et des cultures des personnes qui ont trouvé refuge à Kakuma, comme des instruments de musique traditionnelles, des sculptures sur bois Dinka ou des talismans somaliens. « Des églises taillées dans la roche de Lalibela, dans la région d’Amhara en Éthiopie, aux incroyables peintures rupestres néolithiques de Laas Geel au Somaliland, en passant par les tombeaux de Kasubi en Ouganda, ces sites sacrés ont été de fertiles sources d’ inspiration », raconte Sumayya Vally.
Ce n’est pas le premier projet de ce type pour To.org. « En Ouganda, dans le camp de réfugiés de Bidi Bidi, nous avons réalisé un centre d’art qui abrite une académie de musique, un centre d’art performatif, avec un studio d’enregistrement, une salle de classe, un amphithéâtre, un toit qui collecte l’eau », détaille Mehdi Dakhli. La construction a été achevée en décembre 2023. Depuis, le centre est devenu un lieu dynamique, d’échange culturel, créatif et d’autonomisation des communautés.
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Plaidoyer
Tout a commencé il ya une dizaine d’années. Nachson Mimran fonde avec son frère Arieh, To.org, une plateforme qui opère dans les domaines du capital-risque, de la philanthropie et de l’espace créatif, unissant les trois dans une mission de « tikkun olam » qui signifie « réparation du monde » en hébreu. « Le changement climatique et les conflits liés au climat ont entraîné des migrations involontaires à un rythme sans précédent. Dans les camps de réfugiés, la population augmente rapidement et manque d’infrastructures, de ressources et d’opportunités essentielles. Ces camps devraient être reclassés en villes du futur, dotés d’espaces utiles permettant aux gens de se régénérer, de jouer, de penser et de créer – quatre activités essentielles que nous considérons comme des conditions requises pour mener une existence humaine épanouie », explique Nachson Mimran, cofondateur et directeur exécutif créatif de To.org.
À travers sa présence à la Foire 1-54, To.org expose l’importance de l’identité culturelle à travers l’art tout en invitant l’amateur d’art à participer à un vaste projet en faveur des réfugiés de Kakuma. « C’est la première fois que nous participons à 1-54, parce que c’est une super plateforme pour l’art africain et cela a du sens avec ce qu’on fait », conclut Mehdi Dakhli.
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