Alors que la violence actuelle dans les régions orientales de la RDC atteint un « niveau dévastateur », le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) tire la sonnette d’alarme.
« Deux années de conflit cyclique dans les territoires de Rutshuru et de Masisi au Nord-Kivu ont forcé plus de 1,3 million de personnes à fuir leurs maisons en RDC, conduisant à un total de 5,7 millions de personnes déplacées à l’ intérieur des provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri », a déclaré lors d’un point de presse à Genève le porte-parole du HCR, Matthew Saltmarsh.
© UNICEF/Jospin Benekire
Un jeune garçon est assis dans un site de personnes déplacées à Goma, province du Nord-Kivu, en RDC.
Des conditions « désastreuses » dans les camps de déplacés à Goma
Depuis les violents affrontements qui ont eu lieu le 7 février dans la ville de Sake, dans le territoire de Masisi, près de 300.000 personnes sont arrivées dans la ville de Goma et ses environs. De nouveaux déplacés qui viennent grossir des sites spontanés et officiels alors qu’ils cherchent désespérément à s’abriter des bombardements aveugles et d’autres violations des droits de l’homme.
« Sur place, les conditions sont désastreuses car les besoins croissants en matière d’abris, d’installations sanitaires et de moyens de subsistance dépassent les ressources disponibles », a ajouté Matthew Saltmarsh.
Au Sud-Kivu voisin, 85.000 personnes supplémentaires ont fui les mêmes violences et ont cherché refuge dans la région de Minova. En janvier, la ville de Minova accueillait déjà plus de 156.000 personnes déplacées, la majorité d’entre elles vivant dans des abris de fortune.
D’une manière générale, les familles continuent d’arriver sur les sites traumatisés et épuisées par les attaques, marquées physiquement et psychologiquement. Nombre d’entre elles déclarent avoir été victimes d’abus – parfois sexuels – pendant leur fuite.
Les nouveaux arrivants trouvent refuge dans des abris de fortune sur des sites surpeuplés, dans des écoles et des églises, ou dans des familles d’accueil, ce qui met à rude épreuve leurs maigres ressources.
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Un camp de personnes déplacées à Sake, au Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo.
Des bombardements ciblant des sites civils à Minova
Depuis 2021, la province du Nord-Kivu, à l’est de la RDC, connaît une reprise de violences entre les forces gouvernementales et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23). Le HCR évoque la poursuite d’une tendance profondément troublante « de l’utilisation accumulée de l’artillerie lourde dans le conflit, avec des rapports de bombardements ciblant des sites civils à Minova ».
Le bombardement d’un centre commercial le 20 mars a tué une femme déplacée et blessée au moins trois autres personnes, dont deux enfants.
« Les rapports faisant état de bombardements aveugles à Sake et à Goma au cours des dernières semaines, qui ont tué plus de 30 personnes et en ont blessé au moins 80, sont également préoccupants, tout comme la menace d’engins non explosés », a détaillé le porte-parole du HCR.
En outre, les partenaires humanitaires ont observé « des incursions systématiques » de groupes armés dans des structures civiles telles que les sites de déplacement, les hôpitaux et les centres de santé. En 2023, 25 écoles ont été occupées par des groupes armés non étatiques dans les seuls territoires de Masisi et de Rutshuru, et 17 autres écoles ont été attaquées. En 2024, sept écoles ont été détruites par des bombardements.
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Un jeune enfant mange de la nourriture dans un camp de personnes déplacées dans la province du Nord-Kivu, suite aux combats dans l’est de la République démocratique du Congo (photo d’archives).
Plus de 50.000 cas de violence sexiste dont la moitié des viols
Dans ce climat d’insécurité, le pillage des médicaments et du matériel essentiel dans les centres de santé au cours des dernières semaines a encore entravé la capacité des humanitaires à soutenir les personnes déplacées.
Des centaines de milliers de personnes ont été identifiées comme déplacées derrière les lignes de front dans les territoires de Masisi, Rutshuru et Nyiragongo, coupés de toute aide.
Sur un autre plan, le HCR fait état d’une augmentation du nombre d’enfants déplacés, avec un grand nombre d’entre eux qui sont maintenant non accompagnés. Ces derniers sont ainsi exposés à des risques et des violations graves, notamment des enlèvements, des recrutements forcés, des mutilations et des viols.
En 2023, dans le seul Nord-Kivu, plus de 50.000 cas de violences sexuelles ont été signalés, dont plus de la moitié étaient des viols. Selon le HCR, 90 % de ces victimes étaient des femmes et des filles, tandis que 37 % étaient des enfants.
A noter que le HCR n’a reçu que 14% des 250 millions de dollars nécessaires à sa réponse en RDC en 2024.