Pendant longtemps, les efforts de la société civile locale et des religieux étaient les seuls contre-pouvoirs face à ces puissantes entreprises, soutenues par des personnalités influentes, selon le père Marcheselli.
“Du représentant national au chef de village, tout le monde reçoit quelque chose, de l’argent ou des dividendes”,
affirme ce missionnaire catholique installé à Kitutu.
En juillet, cependant, le gouverneur de la province, Jean-Jacques Purusi, a suspendu les activités d’extraction illégalement, exigeant que ces entreprises se mettent en conformité avec la loi congolaise.
Ce sursis impose notamment l’établissement d’un cahier des charges, la réfection des infrastructures et le renouvellement de permis souvent expirés depuis des décennies.
À la suite de cette mesure, un afflux inattendu d’entreprises à eu lieu. A ce propos du rapport de M. Jean-Jacques Purusi :
Au lieu des 117 entreprises illégales qu’on a invitées, 540 se sont pointées ici du jour au lendemain.
Le gouverneur, professeur d’université et ancien expert des Nations Unies, a été désigné par la présidence congolaise pour faire en sorte que les richesses minières de la région profitent à la population. Cependant, dans une province où le taux de pauvreté dépasse les 80 %, le défi reste immense.
Exploitation artisanale et contrôle difficile
À Kamituga, cité minière située à 40 km de Kitutu, l’extraction d’or se poursuit dans de vastes mines à ciel ouvert. Sur un site exploité par la coopérative congolaise Mwenga Force, près de 400 creuseurs descendant chaque jour dans les galeries pour quelques dollars malgré les risques d’effondrement.
Assurant que les coopératives locales paient leurs taxes et vendent l’or légalement, Félicien Mikalano, président des creuseurs artisanaux, déplore :
Nous n’avons pas les mêmes moyens que les Chinois.
En dépit des dispositions du code minier, qui interdit l’exploitation artisanale aux étrangers, des entreprises chinoises collaborent avec ces coopératives pour extraire l’or. Selon le Bureau d’études scientifiques et techniques (BEST), une ONG congolaise, la moitié des coopératives de la province sont impliquées dans ces partenariats illégaux.
L’accès aux mines exploitées par ces coopératives est souvent difficile, comme l’a découvert une équipe de l’AFP, à qui l’entrée a été refusée à plusieurs reprises.
Même la brigade minière locale, chargée de relever les statistiques d’extraction, peine à contrôler les activités sur ces sites.
“Sur le contrôle difficilement ces sociétés”,
admet Ghislain Chivundu Mutalemba, commandant de la brigade minière locale.
Un marché noir fleuri
La production d’or est ensuite acheminée vers Bukavu, la capitale provinciale, où de nombreux négociants la revendent, parfois de manière illégale. Selon le BEST, une grande partie de l’or extrait au Sud-Kivu est exportée clandestinement vers des pays voisins, notamment le Rwanda.
Pour contrer ces pratiques, le gouvernement congolais a accordé en décembre 2022 à la société Primera Gold le monopole de l’exportation d’or dans le Sud-Kivu.
Cette mesure visa à freiner les exportations illégales et à neutraliser certains réseaux d’affaires liés à l’opposition politique. En 2023, les exportations d’or artisanal ont été déclarées ainsi bondi à plus de cinq tonnes, contre seulement 42 kg en 2022.
Cependant, Primera Gold est désormais confrontée à des difficultés financières et peine à acheter le minerai, laissant ainsi le marché noir prospérer. Les circuits empruntés par les entreprises chinoises restent opaques, et ces dernières bénéficient d’une forte protection, selon le gouverneur Purusi.
“Leurs représentants vous passent tel général ou tel ministre à Kinshasa au téléphone, pour vous dire de ne pas les embêter”,
explique-t-il, en plus qu’il reçoit des menaces quotidiennes en raison de ses actions contre l’exploitation illégale.