En République démocratique du Congo (RDC), les agents et fonctionnaires de l’État sont les plus touchés par la perte de valeur du franc congolais face au principal instrument du pays, le dollar américain. La monnaie congolaise a perdu 21% de sa valeur depuis le début de l’année. Densément riche en minéraux, le pays dispose d’une économie extravertie et peine à réaliser son budget annuel de 16 milliards de dollars. L’inflation a pris 25% en un an.
De notre correspondant à Kinshasa,
Pour Armand Osase, la quarantaine, sous-directeur à l’ex-office national des transports, chaque jour est un combat pour survivre. Cet après-midi, à la sortie d’une imposante bâtisse sur le boulevard du 30 juin, il vient de percevoir son salaire, des briques de petite coupure de franc congolais.
« Je dois maintenant prendre mon salaire pour aller acheter les dollars auprès des cambistes. Moi qui touche mon salaire au taux de 920 francs congolais le dollar, là, je vais devoir aller chez les cambistes chez qui c’est 2 500 francs congolais. Je fais une grande perte surtout que mon salaire ne vient pas régulièrement. Les salaires des mois de mai, juin et juillet… Nous sommes au mois d’août, et je ne les ai pas encore touchés. J’ai touché celui du mois d’avril qui ne me permet pas de faire face à la scolarisation des enfants. Maintenant, je dois payer le loyer avec quel argent ? Ça amène le travailleur dans des endettements graves. »
Direction grand marché au centre-ville. L’agent de l’État s’étonne : « L’année passée, cela coûtait 6 000 francs congolais, mais avec cette inflation, par exemple pour cet uniforme, c’est 18 000 francs congolais. Or, si j’ai cinq enfants ou trois enfants pour acheter les uniformes avec mon salaire, je ne saurai pas. »
Système D
Nombre de fonctionnaires ont adopté le système D. « Ça pousse le travailleur à s’endetter : des sacrifices, mais aussi de utiliser à des familles, ou un fonctionnaire doit être stable. Mais au Congo, c’est difficile. Après le travail, je dois utiliser d’autres stratégies alors que c’est interdit. Par exemple, quelqu’un qui doit commencer à transporter des caillasses vers le fleuve. Il y a des gens qui font même des champs, des fonctionnaires qui, le soir, font taxi, le Wewa, c’est-à-dire les motocyclistes, mais il est fonctionnaire. Ce n’est pas sa faute. Il y a des fonctionnaires qui sont chassés de leurs maisons, d’autres habitent dans des barges, dans des casernes et dans des lieux vraiment insupportables. »
Au crépuscule, Armand Osase, emprunte un transport en commun. Nous l’accompagnons. « Cette inflation, il faut que l’État y trouve une solution. J’habite Ngaliema. Pour arriver en ville, aller-retour, je dois avoir au moins 10 000 francs congolais par jour, donc 4 dollars. Mon salaire, c’est 150 fois moins que le salaire d’un député alors que dans d’autres pays, le fonctionnaire est un homme de valeur. Mais ici au Congo, les fonctionnaires sont vraiment marginalisés. » Les fonctionnaires et leurs enfants n’ont pas de choix que se serrer la ceinture sur fond de précarité.
À écouter aussiAfrique Économie – RDC : le franc congolais en chute libre (1/2)