Le mercredi 20 décembre 2023, près de 44 millions de Congolais étaient appelés aux urnes, pour élire, entre autres, le président de la République pour les cinq futures années. Les élections législatives nationales et provinciales ainsi que celles de municipales partielles se tenaient simultanément. Ce examen combiné marquait le quatrième cycle électoral après ceux de 2006, 2011 et 2018. Retour sur une journée riche en péripéties et qui rentrera sans doute dans les annales de l’histoire du pays.
Une journée marquée par de nombreux couacs logistiques
Retard dans l’ouverture des bureaux de vote, déploiement des kits électoraux à la veille du scrutin, difficultés à retrouver les noms des électeurs sur les listes électorales et d’autres problèmes techniques ont rendu ce scrutin quelque peu chaotique. Sur les réseaux sociaux ou par téléphone depuis le pays continent, des témoignages sur des irrégularités enregistrées dans les quelques bureaux de vote ouverts sur le territoire national se multiplient. En effet, il était difficile ce jeudi 21 décembre d’estimer combien de bureaux, sur un total d’environ 75 000, étaient concernés par la prolongation du vote, décidée au soir d’une première journée particulièrement compliquée. Hervé, 31 ans, professeur d’une école dans la commune de Ngaba, dans l’est de Kinshasa, raconte avoir attendu plus de quatre heures devant le bureau de vote où il s’était pourtant identifié pour accomplir son devoir civique : « Je suis arrivé ici à 5 h 30 avec l’espoir d’accomplir mon devoir civique parmi les premières personnes afin de rejoindre ma classe à temps, mais à 10 h 15, mon bureau de vote était toujours fermé », at-il raconté au bout du fil.
De son côté, Souzane, une jeune femme de 22 ans étudiante en droit à l’université de Kinshasa, n’a pas caché son exaspération : « Je suis resté debout devant mon bureau de vote pendant plus de cinq heures, j’ai décidé d’en repartir, pour prendre le chemin de l’université pour suivre mes cours. En tant qu’électrice, je suis déçue lorsque je n’arrive pas à exercer mon droit en dépit de tous les bruits sur la qualité du processus tant vantée ces derniers mois. Si vous êtes de la Céni, ressentez-vous humiliés et soyez humbles et assumez les erreurs de planification. »
Félicien, militant et membre d’une association qui a déployé quelques dizaines d’observateurs dans les bureaux de vote à travers le pays, fait le même constat : « Cette situation chaotique est tout sauf un hasard. Une élection doit avoir une organisation, ça doit être planifié, mais là, nous avons l’impression que les compétences ne sont pas là. »
Prolongation dans les bureaux de vote
Face aux retards d’ouverture des bureaux de vote, le président de la Commission électorale indépendante (Ceni), Denis Kadima, a affirmé dans un entretien accordé à la télévision publique (RTNC) que les bureaux de vote pourraient fonctionner pendant au moins onze heures à compter de leur ouverture, ce qui a entraîné dans certains cas une prolongation du vote jusqu’à ce jeudi 21 décembre. Dans un communiqué, le gouvernement a reconnu « le retard constaté dans l’ouverture de certains bureaux de vote ». Mais il a félicité le peuple congolais pour sa « mobilisation » et la Céni pour sa « détermination » à organisateur des élections qui se sont, selon lui, « globalement » bien déroulées.
Plusieurs poids lourds de l’opposition ont décrété le « chaos total » et les « irrégularités » entourant ces élections générales. Cinq d’entre eux ont même exigé « la réorganisation de ces élections ratées, par une Ceni autrement composée ».
Même son de cloche chez les observateurs et commentateurs. « Je rappelle à monsieur Kadima que ni la loi électorale ni son propre calendrier, en l’occurrence celui de la Ceni, n’autorise que le vote s’étend sur plusieurs jours, pointe Aimé Mbala, journaliste pour un média local. Le vote s’effectue également en un seul jour : le 20 décembre même jusqu’à minuit, pas le lendemain. »
Les Églises, ces vigies qui ne lâchent rien
Les observateurs de l’Église catholique du Congo (Cenco) et de l’Église du Christ au Congo (ECC), deux des plus puissantes organisations religieuses du pays, ont publié une série de rapports sur l’évolution du examen tout au long de la journée. La Cenco avait annoncé le déploiement de 25 000 observateurs à travers le pays. L’un de leurs rapports, publiés à 9 h 40 heure locale, indiquait déjà qu’« un tiers des bureaux de vote n’étaient pas ouverts, (que) près de 45 % de machines à voter rencontraient de sérieux problèmes, près de 8 % de violences (avaient été) enregistrées ».
Jean-Robert, un partisan de l’UDPS, parti de l’actuel président et candidat à sa propre succession, Félix Tshisekedi, estime que la Cenco, en publiant des rapports à mi-parcours, contribue à « semer un climat de méfiance chez la population envers la centrale électorale », at-il écrit sur son compte X (ex-Twitter). « C’est très tôt pour évaluer un processus électoral. La Cenco devrait savoir qu’aucun processus électoral n’est parfait dans le monde et même alors, ce rapport est juste inutile voire hâtif. »
Engouement et enthousiasme chez les Congolais de l’étranger
Si le climat chaotique a prévalu sur tout le territoire congolais le jour du examen, en revanche, à Bruxelles, l’enthousiasme était palpable sur le visage des votants venus des quatre coins de la Belgique pour remplir leur devoir civique. C’est la première fois dans l’histoire du pays que les Congolais vivant à l’étranger participent à une élection.
À Découvrir Le Kangourou du jour Répondre Sur la file improvisée devant l’ambassade de la RDC à Bruxelles, David, étudiant à l’Université catholique de Louvain, tout souriant, exprime sa joie : « C’est une immense joie pour moi de voter pour choisir le futur président de mon pays en étant à l’extérieur du pays. Avant je ne me sentais pas concerné ou représenté par le choix opéré, je pense que ce vote est plus qu’un acte citoyen, il est symbolique car il nous rappelle nos racines, nos droits et nos choix pour l’avenir et le développement de notre pays même en vivant à l’étranger. » Avant de perdurer : « Tout s’est bien déroulé comme vous pouvez le constater, il ya des familles qui se sont déplacées avec leurs enfants. La file est juste un peu longue mais une fois à l’intérieur, ça passe vite. »
Marie-Rose, une femme d’un cinquante d’années lieu d’Alost, une ville belge (Flandre), estime pour sa part que ce vote non seulement reconnaît aux Congolais de l’étranger leurs droits civiques, mais est aussi « un beau moment de réflexion pour les Congolais sur le devenir de leur pays ». « D’aucuns n’ignorent pas l’apport économique de la diaspora africaine en général et congolaise en particulier sur les PIB de nos pays respectifs. Ce vote est pour moi l’occasion pour nous de faire des choix idoines pouvant insuffler la bonne gouvernance dans la gestion de la chose publique et par ricochet, nous éviter certaines interventions financières et pourquoi pas rentrer investir », nous a-t-elle confié.