Kinshasa a refusé de célébrer la Journée internationale de la francophonie le 20 mars dernier, dans un contexte de relations explosives avec le Rwanda.
La République démocratique du Congo pourrait-elle quitter l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) ? «Nous allons évaluer notre appartenance à la Francophonie, et à l’issue des évaluations, des décisions seront prises», a déclaré mardi 19 mars le porte-parole du gouvernement congolais Patrick Muyaya, selon le média Politico. «L’option de quitter la Francophonie pour beaucoup de Congolais n’est pas à exclure», a-t-il poursuivi. La RDC est aujourd’hui le pays francophone le plus peuplé, et l’explosion démographique le destin à occuper une place de plus en plus importante dans l’espace francophone.
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La veille, le ministère des Affaires étrangères avait fait partie sur son compte X de sa décision de ne pas célébrer la Journée internationale de la francophonie prévue le 20 mars. «Le cœur n’est pas à la fête», avait-il écrit, soulignant «l’occasion de jeter un regard critique sur l’appartenance de la RDC à la communauté francophone» dans un contexte de relations explosives avec le Rwanda, membre de l’OIF et pays d’origine de la Secrétaire générale de l’organisation, Louise Mushikiwabo. Depuis début 2022, Kinshasa accuse en effet Kigali de soutenir le « Mouvement du 23 mars » (M23), une ancienne rébellion majoritairement tutsie qui a conquis de nombreux territoires dans l’est de la RDC.
Christophe Lutundula, le ministre des Affaires étrangères et de la Francophonie, a pris la parole le 20 mars dans un long communiqué destiné à « exprimer la position du gouvernement de la RDC tant par rapport à la langue française qu’à l’égard de l ‘OIF». Il a martelé que la Francophonie, en plus d’être un espace linguistique, était « une communauté de valeurs comme celles de paix, de démocratie, d’État de droit, de solidarité, d’égalité entre hommes et femmes et de diversité culturelle. ». Le ministre a ainsi déclaré «le silence et l’indifférence de la francophonie institutionnelle face à l’agression de la RDC par le Rwanda, un des membres de l’OIF, et des tragédies qu’il provoque depuis trois décennies», qualifiant une attitude «admissible et contradictoire» de la part d’une organisation qui doit «défendre les valeurs de la Francophonie».
Un coup de pression
La RDC pourrait-elle véritablement quitter l’OIF, dont elle est membre depuis 1977 ? Il semble s’agir davantage d’un coup de pression pour faire réagir l’organisation. Le gouvernement est bien conscient, comme l’a rappelé le ministre des Affaires étrangères dans son communiqué, que «l’avenir de la francophonie, à l’horizon 2050, se joue en RDC». Henri Leridon, directeur de recherche émérite à l’Institut national d’études démographiques à Paris, avait expliqué au Figaro que «la RDC comptera probablement plus de cent millions d’habitants d’ici à 2030», rappelant que le français reste la langue des élites. « 50% de la population parle couramment le français. Les Congolais peu éduqués ne parlent en effet pour la plupart que le lingala ou le swahili.»
Il semblerait donc que cette menace de quitter l’OIF ne soit qu’un chiffon rouge. «Nous n’entendons pas renoncer à notre destin de grandeur au sein de cette communauté», a d’ailleurs martelé le ministre, rappelant le succès des 9e Jeux de la francophonie, «sinon les meilleurs, à tout le moins parmi les plus réussis depuis qu’ils existent». En juillet 2023, cette compétition sportive qui réunit les pays francophones avait déjà été précédée d’une polémique autour de la présence du secrétaire général rwandais de l’OIF. Elle n’était finalement pas venue. Au Figaro, Louise Mushikiwabo expliquait en novembre dernier : « J’ai été invitée puis désinvitée ! J’ai donc compris que je n’étais pas la bienvenue. Je n’ai pas eu d’explications. Ce n’est pas normal, même si la RDC a de très mauvaises relations avec mon pays, qu’elle accuse de tous les maux.»
L’incompréhension de l’OIF
«Je ne sais pas si c’est en raison de la nationalité de notre secrétaire général, ou bien parce que le Rwanda est également un pays membre de notre organisation», a répondu immédiatement sur RFI la porte-parole de l’OIF Oria Vande. Weghe. « Personnellement, je ne suis pas sûr de voir le lien entre la célébration du 20 mars et toute forme de reproche politique » at-elle déclaré avec ironie, rappelant que la Journée Internationale de la francophonie « n’est pas une célébration politique mais citoyenne ».
Interrogée sur le silence de l’OIF, la porte-parole a taclé Kinshasa, qui ne comprend pas le rôle de la Secrétaire générale. « Je rappelle que nous sommes le secrétariat des États, et que toute action politique est en fait motivée, ou en tout cas dictée par une concertation des États qui demandent à l’OIF d’agir dans un sens ou dans un autre » at- elle a expliqué. Si initiative il ya, elle devra venir des Etats eux-mêmes et non pas de l’OIF.