Cette victoire semblait inéluctable. Car avec près de 90 % des résultats connus, dont une majorité d’entre eux favorable à (Félix) Tshisekedi, aucune remontada n’était possible, pour utiliser un néologisme footballistique. Qu’il y ait eu des dysfonctionnements, de gros couacs organisationnels et même des fraudes, agités comme un chiffon rouge par l’opposition, personne ne le conteste. Mais la victoire du candidat n° 20 (lors du scrutin du 20 décembre) semble légitime et ne devrait pas faire crier longtemps ni ses adversaires ni certains de la communauté internationale.
Des défis en cascade
Le 31 décembre 2023, Félix Tshisekedi a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle organisée dix jours plus tôt, avec 73 % des voix. Un succès que Le Soir, sous la plume de Colette Braeckman, nuance, en reprenant les réactions des principaux candidats, qui ont très tôt dénoncé « fraudes et irrégularités ». Une crise postélectorale pourrait entacher la victoire éclatante du président sortant.
Mais d’autres défis attendent Félix Tshisekedi, notamment une pauvreté endémique, alors même que le pays est qualifié de « scandale minier » en raison des richesses de son sous-sol. La RDC, rappelle le Daily Maverick, est classée à la 179e place (sur 189 pays) de l’indice de développement humain des Nations unies et à la 166e place (sur 180 pays) de l’indice de perception de la corruption de Transparency International. Avec cette élection, les Congolais espèrent donc « l’avantage de la sécurité, de meilleurs itinéraires, l’accès à l’eau et à l’électricité et la création d’emplois », analyse Digital Congo.
Autre défi majeur, la situation sécuritaire intérieure, toujours instable. Selon le Daily Maverick, une centaine de groupes armés opèrent dans l’est de la RDC, se livrant pour la plupart à des pillages et à des violations. Il s’agit notamment des Forces démocratiques alliées, une organisation de guérilla « islamiste » établie en Ouganda, qui franchit régulièrement la frontière pour piller, violer et tuer. Autre guérilla, le M23, dont les activités dans le Nord-Kivu ont amené Félix Tshisekedi, qui affirme que Kigali soutient le groupe armé, à rompre avec son voisin rwandais.
Les Congolais attendent, selon Digital Congo, le rétablissement de l’autorité de l’État non seulement au Nord-Kivu, mais également dans les provinces du Mai-Ndombe et de l’Ituri. Autant de conflits intérieurs qui alimentent d’immenses camps de déplacés.
Courrier International
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D’abord parce que l’opposition était dispersée (on comptait 19 candidats), à la petite exception de Moïse Katumbi, qui a pu rassembler sur son nom(d’)autres présidentiables. Martin Fayulu, Denis Mukwege et bien d’autres sont allés en solitaires à ce grand match, sachant pourtant que l’union fait la force. Cela dit, on ignore si, même en se mettant ensemble, ils auraient pu faire contrepoids au chef de l’État sortant, d’autant qu’il s’agissait d’une élection à un seul tour. Cette disposition électorale a toujours été une guillotine politique pour les opposants !
La victoire de Tshisekedi s’explique également par le rouleau compresseur de la plateforme qui a soutenu sa candidature. Avec des poids lourds comme Vital Kamerhe (directeur de cabinet du président), Jean-Pierre Bemba (vice-Premier ministre et ministre de la Défense) et tous ceux qui ont intérêt à ce que le sortant ne sort pas, la victoire de Tshisekedi était probable. Victoire contestée, mais victoire à la régulière, quoi qu’on en dise.
COURRIER INTERNATIONAL
Une caution de confirmation
Quelle réaction attendre du côté de l’opposition congolaise ? Et quid de la posture de la Cenco (Église catholique) et de l’ECC (protestants du Réveil) (qui ont énoncé des irrégularités lors du examen et dont l’influence en RDC reste très forte) ? Avec le tour de chauffe de la semaine dernière et les contestations et appels à l’annulation des votes qui fusent du camp de l’opposition, on peut s’attendre encore à des manifestations mêmes interdites. Seront-elles musclées ou réduites à des proportions marginales ? À moins que les opposants ne préfèrent s’en remettre à l’arbitrage des grands juges de la Cour constitutionnelle.
Les Congolais ont donc fait un gros cadeau de la Saint-Sylvestre à Tshisekedi. Que fera-t-il de ce second mandat ? Il s’agit d’un bail de confirmation car lorsque le peuple vous oint une deuxième fois, c’est qu’il estime que vous devez compléter ce que vous avez entrepris lors du premier. « Doit mieux faire », voilà ce que signifie cette réélection du sortant, un message très clair ! Il faut s’attaquer aux problèmes quotidiens des Congolais ou plutôt aux maux qui ont pour nom : chômage, pauvreté et surtout guerre à l’est du pays, une guerre au long cours qui fait beaucoup de victimes. Il faut aussi consolider les acquis comme la gratuité de l’école décidée par Tshisekedi, lutter contre une corruption devenue endémique, selon l’opposition.
En somme, Tshisekedi devra mettre à profit ce deuxième séjour au palais présidentiel pour canaliser les richesses dont Dame Nature a doté la RDC et améliorer la vie de la population. Être riche de son sol et sous-sol et mendier sa pitance, toujours dépendant de l’extérieur, c’est ce que doit faire cesser « Fatshi » (surnom donné à Félix Tshisekedi).