Qu’il est triste et révoltant, le sort de la République démocratique du Congo (RDC) ! Vaste et archi-riche de ses abondantes ressources minérales, le pays se débat pourtant dans les ailes de la misère du monde.
Mais surtout, depuis une trentaine d’années, la RD Congo symbolise l’insécurité et l’instabilité. En particulier dans la zone orientale, les rébellions succèdent aux rébellions. Des groupes armés aux contours confus et aux revendications tout aussi sombres, qui se livrent à des expéditions punitives et à des razzias qui laissent les pauvres populations démunies et sous le choc. D’autant que ces groupes de criminels tuent et violents sans distinction.
Les enfants quant à eux, s’ils survivent et quand ils ont la chance de ne pas se retrouver handicapés à vie, sont employés de force comme apprentis rebelles ou dans les carrières minières dont les rebelles tirent de pierres précieuses qu’ils expédient via les pays frontaliers en vue de les acheminer vers des négociants complices installés à l’autre bout de la chaîne.
L’armée, déstructurée, est incapable d’assumer son premier devoir qu’est la défense de l’intégrité du territoire congolais. Au point que, depuis des mois, la rébellion du M23, tel un promeneur en terrain conquis, s’empare des localités congolaises qu’elle convoite, les unes après les autres. Ishaha, localité située à la frontière entre la RD Congo et l’Ouganda, étant la dernière conquête des rebelles parrainés par le Rwanda de Paul Kagame.
La débandade des autorités congolaises
Justement, la prise d’Ishasha (située au sud-est du lac Édouard, cette ville stratégique ouvre un accès vers le nord de la province du Nord-Kivu), hier dimanche (4 août), est symptomatique du drame congolais.
Carte de situation de la province du Nord-Kivu. Courrier International
D’abord, il faut préciser que la localité a été prise à la suite d’autres villes que sont Kiseguru, Ketwiguru, Kisharo et Nyamilima, une plus grande agglomération dans ce territoire du Rutshuru (chef-lieu de territoire de la province du Nord -Kivu).
Ensuite, doit-on relever que dans toutes ces localités, les rebelles n’avaient pas en face des éléments de l’armée congolaise, mais des membres hétéroclites de groupes d’autodéfense appelés « wazalendo » (ce mot, « patriotes » en kiswahili , désignent des combattants de groupes rebelles alliés aux militaires officiels des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et opposés au M23), sorte de VDP congolais (les VDP, Volontaires pour la défense de la patrie, sont les supplétifs civils de l’armée burkinabè dans sa lutte contre les groupes armés).
Or ces derniers, au même titre que les quelques policiers qui demeuraient là, ont fui la ville avant l’arrivée des rebelles. Les policiers notamment ont franchi la frontière pour trouver refuge en Ouganda voisin.
Voilà qui est indigne des autorités congolaises qui, plus de soixante ans après les indépendances, continuent donc à compter sur des groupes d’autodéfense ou sur des mercenaires occidentaux qu’ils payent des millions de dollars.
Pendant ce temps, à Kinshasa et dans les grandes autres villes du pays, les responsables politiques, gouverneurs, ministres et députés, tous bords confondus, repus des fruits de la corruption et vivant dans leurs demeures cossues, ne sont pas conscients de l’enfer qu’endurent ces populations misérables que la guerre empêche même de travailler leurs champions.
Félix Tshisekedi fait le pleurnichard
Symbolisant cette élite politique incapable de se montrer à la hauteur des enjeux et de la confiance placée en elle, Félix Tshisekedi (le président congolais) fait le pleurnichard. Ses menaces et ses discours guerriers se manifestaient pour les besoins de la dernière campagne électorale. Son nouveau mandat en poche, il s’est réinstallé dans son confort, en se contentant de simples récriminations et plaintes distillées à l’envi dans la presse.
Bien sûr, la responsabilité des autorités est de loin la plus importante dans le genre peu enviable de la RD Congo. Mais à côté, il y a ces voisins qui ne jouent pas franc jeu. Pour le cas du Rwanda, pas besoin de perdre du temps à développer, parce que la mauvaise foi de Paul Kagame est d’une évidence qui crève les yeux (Kigali est accusé par Kinshasa et l’ONU de soutenir le M23).
Mais qu’en est-il du rôle que jouent le Burundi, l’Ouganda, l’Angola, et même le lointain Kenya ? À défaut de servir de complices aux rebelles, ces pays, a minima, adoptent l’attitude du spectateur prétendument neutre. Or, dans la configuration et les motivations des guerres dont l’est du Congo a toujours été le théâtre, la neutralité revient à choisir ceux qui exploitent indûment les richesses congolaises. Car en fin de compte, ces pays en profitent toujours.
L’hypocrisie des acteurs
C’est ainsi que c’est à Nairobi, au Kenya, qu’en (décembre) dernier, Corneille Nangaa, l’ancien président de la Céni (Commission électorale nationale indépendante), a annoncé la création de l’Alliance Fleuve Congo (AFC). ), mouvement pourtant affilié au M23 (cette création dans la capitale kenyane avait provoqué la colère de Kinshasa qui avait rappelé son ambassadeur et exigé des « explications »).
Il est évident que les pays de la région ne sont pas authentiquement engagés à faire cesser les hostilités au Congo. C’est ce qui explique que les deux troupes régionales, l’EAC (Communauté d’Afrique de l’Est qui regroupe le Burundi, le Kenya, l’Ouganda, la République démocratique du Congo, le Rwanda, la Somalie, le Soudan du Sud et la Tanzanie) et la SAMIDRC (la force de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC)), qui y ont été déployées plus tôt au cours de cette année, n’ont pas réussi à stopper les avancées rebelles.
Ce rôle trouble de ces voisins, qui, publiquement se proclament amis des Congolais alors qu’ils sont partie intégrante de sa déstabilisation, est l’autre facteur qu’il faudra maîtriser si l’on tient à ce que la RDC retrouve une paix durable. . Mais c’est une condition difficile à obtenir, en raison de l’hypocrisie des acteurs, et comprise au niveau de l’échelon supérieur de la communauté internationale.