Le pasteur Majagira Bulangalire a été libéré par ses ravisseurs, mercredi 1er mai, après quatre jours de captivité. Il « est actuellement en repos en sa résidence dans la cité de Kiliba », a informé un responsable de l’Institut supérieur de pédagogie, dont le pasteur pentecôtiste est le directeur général. Une vidéo du pasteur publiée sur les réseaux sociaux dans la soirée de mercredi témoignait de sa récente libération.
Le pasteur Majagira Bulangalire a été libéré ! Reconnaissant à tous ceux qui ont rendu cela possible comme à tous qui se sont mobilisés dans la prière ces derniers jours. @FPFCompic.twitter.com/rHPdZouy3q
– Stauffacher Jean-Raymond (@StauffacherJr) 1 mai 2024
Aussi connue en France qu’en République démocratique du Congo, Majagira Ruhigita Espoir Bulangalire avait été enlevée avec son épouse par des hommes armés, samedi 27 avril en fin de journée, alors qu’il se rendait dans la ville de Kiliba, au Sud- Kivu, pour y célébrer le culte dominicain. Sa femme, de nationalité française, avait été libérée lundi 29 avril.
Confiant sa « profonde tristesse » et son « indignation », le docteur Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix 2018, lui-même pasteur évangélique et candidat malheureux l’an passé à la présidence congolaise, avait exigé dimanche la libération du pasteur Majagira Bulangalire . « Nous condamnons cette pratique criminelle qui perdure dans cette région depuis plusieurs années », a déclaré le médecin, par ailleurs parent éloigné de Majagira Bulangalire.
Fédération des Églises africaines en France
Né en 1959, fils de Jean Ruhigita Ndagora Bugwika, pasteur pionnier du protestantisme postcolonial africain, Majagira Bulangalire est un intellectuel ayant passé une grande partie de sa vie en France. Diplômé de la Faculté de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine (Yvelines), titulaire de trois doctorats, un temps maître de conférences à l’université Paris 5, il a notamment publié une thèse en 1991 sur l’essor des Églises africaines en France.
Un an plus tôt, il participait à la création de la Communauté des Églises d’expressions africaines francophones (Ceaf), qui fédère encore aujourd’hui plusieurs Églises participantes par la diaspora africaine. Cette création, confiait-il à Regards protestants il ya deux ans, fut le fruit de ses observations de terrain durant ses travaux dans des foyers pour travailleurs migrants. « Mes yeux se sont ouverts sur une réalité, celle de chrétiens africains francophones ignorés, indiquait-il. On ne pouvait les rencontrer nulle part. Des « sans-église-fixe ». »
« Les Églises françaises bien installées avaient parfois tendance à considérer les Africains sous un prisme colonial, retraçait-il. Tout était à faire. Mettre des mots sur ces réalités pour permettre de mieux comprendre les uns et les autres. Et de provoquer une prise de conscience des nécessités d’un espace partagé, au sein duquel les premières communautés évangéliques africaines en France peuvent s’organiser. » Majagira Bulangalire a également exercé par la suite comme pasteur dans l’Église réformée de France à Amiens, puis à Cambrai, avant de retourner s’installer définitivement dans son pays natal avec sa femme.
Soutien de l’indépendance de la RDC
« C’est un intellectuel à la pensée très libre, raconte Hervé Delahaye, médecin lillois et ami intime du pasteur kidnappé samedi. Il s’engage fermement contre la corruption et en faveur de l’indépendance du Congo, dépecé par les intérêts étrangers et en proie aux violences des groupes armés soutenus par le Rwanda dans le Kivu. » Un engagement qu’il a poursuivi lorsqu’il est rentré en RD-Congo, où il fut élu député en 2012. « Il était l’un des rares à témoigner des dérives qu’il observait en politique. Des textes de loi modifiés au dernier moment dans la nuit, par exemple », souligne Hervé Delahaye.
Basé entre Uvira, sur les bords du lac Tanganyika, où il exerce son ministère, et Bukavu, sur les rives du lac Kivu, à la frontière rwandaise, il ya fondé avec sa femme, infirmière rencontrée en France, la clinique Ruhigita, indépendante financièrement de toute aide extérieure. Majagira Bulangalire est également l’une des chevilles ouvrières de l’Université évangélique d’Afrique, qui compte quelque 3 000 étudiants. « Il faisait venir des professeurs européens pendant quinze jours pour enseigner », décrit son ami Hervé Delahaye, qui se rend régulièrement sur place.