Les nouvelles autorités de la République démocratique du Congo sont plus que jamais mises au défi de diversifier l’économie du géant d’Afrique avec la brutale chute des cours du cobalt, signe de sa trop grande dépendance aux ressources minérales.
A Kinshasa de jeudi à samedi, puis Lubumbashi la semaine suivante, des experts vont plancher sur l’économie congolaise avec un constat de base : en un an, le prix de la tonne de cobalt a subi une correction brutale, de à 80.000 à 28.000 dollars à la bourse des métaux de Londres.
Et ce sont les cours volatiles de ce minéral très pris pour les batteries de nouvelle génération, dont la RDC est le premier producteur mondial, qui joue au yo-yo avec la croissance du plus grand pays d’Afrique sub-saharienne.
« La croissance du PIB est passée de 3,7 % en 2017 à 5,8 % en 2018 (…) sous l’effet d’une forte augmentation des prix du cobalt », résume le Fonds monétaire international (FMI) dans son premier audit de l’économie congolaise depuis 2015.
«La croissance du PIB devrait ralentir pour s’établir à 4,3 % en 2019, dû à un ralentissement de l’activité minière dans un contexte d’affaiblissement des prix du cobalt», ajoute le FMI dans son compte-rendu d’ une mission à Kinshasa quinze jours fin mai-début juin.
Autre signe de la dépendance de la RDC aux minerais (cuivre et coltan également) : le FMI prévoit une baisse du PIB global en 2019 alors même que « la croissance de l’économie non minière ferait plus que doubler en raison de la hausse des investissements publics et de l’optimisme post-électoral ».
A la hausse ou à la baisse, ce PIB est déjà ridiculement faible vu la taille de la RDC et les besoins abyssaux de sa population (moins de 40 milliards de dollars d’après la Banque mondiale, pour 80 millions d’habitants qui vivent en moyenne avec moins de deux dollars par jour).
La mission du FMI à Kinshasa a porté « sur les politiques qui permettrontient à terme de diversifier l’économie et de s’attaquer aux niveaux élevés de pauvreté et de chômage dans une population en expansion rapide ».
La « diversification et la transformation » de l’économie congolaise est également le thème de la sixième « Semaine française » de Kinshasa organisé de jeudi à samedi par la Chambre franco-congolaise de l’Industrie.
« L’économie congolaise tire près de 80% de ses recettes d’exportation (des mines), occasionnant ainsi sa vulnérabilité face à la disponibilité des prix de ses principales matières premières d’exportation », notent les organisateurs.
Libéralisation
« Agro-alimentaire, textile, tourisme, télécommunications, transport terrestre, fluvial et aérien, services, industrie forestière, énergétique, pharmaceutique, recyclage etc… sont autant de secteurs à explorer pour transformer l’économie du pays », ajoutent-ils.
Un mois après la visite du ministre français des Affaires étrangères, la France veut promouvoir à Kinshasa une annonce du président Emmanuel Macron : « Choose Africa » et ses « 2,5 milliards d’euros consacrés au financement et à l’accompagnement de près de 100.000 start-up, TPE et PME sur le continent africain d’ici 2022 ».
Ces bonnes intentions se heurtent encore aux maux endémiques qui compliquent la vie des acteurs économiques du privé : faiblesse de l’État et des rentrées fiscales malgré l’empilement des impôts, corruption…
Le FMI a fortement suggéré au nouveau président Félix Tshisekedi d’« accélérer l’adoption du projet de loi anticorruption », ainsi que la création d’une « commission indépendante de lutte contre la corruption ».
L’argent ne rentre pas dans les caisses du Trésor public, s’inquiète le FMI. « 50 % des conteneurs qui entrent dans le port fluvial de Matadi ne paient pas de droits de douane », avance un fin observateur de l’économie locale. En revanche, des backshichs entrent très probablement dans la poche des agents locaux des douanes.
Des dossiers avancent doucement. La libéralisation du secteur des assurances est une réalité, avec trois opérateurs qui disposent d’un agrément pour prendre le relais du vieux monopole de la société publique Sonas (le groupe camerounais Activa, et les filiales de deux banques locales, la Rawbank et la Sofibanque ).
La semaine prochaine à Lubumbashi du 19 au 12 juin, les multinationales du secteur se pencheront également sur la chute des prix du cobalt.
Ils aborderont les conséquences de la réforme du code minier entrée en vigueur il y a un an.
Le code minier a « augmenté les taxes et placé des taux de royalties très élevés sur des minéraux stratégiques comme le cobalt et le coltan », rappelle une spécialiste, Chantelle Kotze.