Au milieu de chants et de danses, une voiture immatriculée de plaques réservées au corps diplomatique s’arrête devant une église d’Akpakpa, en périphérie de Cotonou (Bénin). Sortant du véhicule, sourire aux lèvres, Constantin de Zaraïsk, métropolite de l’exarchat patriarcal russe d’Afrique. En d’autres termes, le représentant en Afrique du patriarche de l’Église orthodoxe russe, Kirill.
Ce mercredi 23 octobre, le métropolite Constantin vient visiter pour la première fois la paroisse Nativité du Christ d’Akpakpa. Cette visite intervient alors que le patriarcat de Moscou est en pleine opération d’extension de son influence en Afrique, zone dépendant historiquement du patriarcat orthodoxe d’Alexandrie. Mais les divisions de l’orthodoxie autour de la question de l’autocéphalie (indépendance) ou non de l’Église orthodoxe ukrainienne a conduit Moscou à étendre son terrain de jeu.
« C’est un grand jour ! », s’exclame le père Partheny Dansou « doyen, c’est-à-dire, vicaire épiscopal » de l’Église orthodoxe russe en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Togo, au Burkina Faso et au Libéria. Constantin Zaraïsk arrive à Cotonou « pour certifier l’incardination de la nouvelle communauté orthodoxe russe », poursuit le père Dansou. Cette étape béninoise s’inscrit dans une tournée débutée le 10 octobre au Gabon, qui s’est ensuite poursuivie au Cameroun, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et au Togo.
« L’Église orthodoxe russe compte des églises dans trente pays africains », assure auprès de La Croix International la métropolite Zaraïsk qui affirme compter déjà « 250 prêtres et plus de 300 communautés en Afrique ». Son objectif ? « Compter encore davantage de paroisses orthodoxes russes en Afrique pour mieux servir le continent ».
La communauté béninoise visitée par la métropolite a une histoire sinueuse. « Nous étions d’abord une Église non canonique », raconte le père Stéphane Assongba. Fils de celui qui a été le fondateur en 1975 de cette Église indépendante, il a au printemps été ordonné prêtre pour le patriarcat russe lors d’une cérémonie à Moscou. L’aboutissement d’un long rapprochement. D’abord indépendante donc, cette communauté qui s’était donnée le nom d’Église orthodoxe béninoise s’est rattachée en 1993 à l’Éparchie orthodoxe des rites orientaux de France et d’Afrique.
« Épicer » la divine liturgie ?
Mais à la suite de dissensions internes, une partie vire à l’Église orthodoxe grecque d’Alexandrie, tandis que l’aile du fondateur Jérôme Assongba repart de son côté. En 2009, celui-ci rencontre l’Ambassadeur Russe au Bénin et souhaite un rattachement au patriarcat moscovite. « Pour mon père, intégrer le patriarcat russe était un grand rêve », assure le père Stéphane. C’est désormais choisi fait et actée. Aux « 500 fidèles béninois nés dans l’orthodoxie », s’ajoutent « des femmes russes, ukrainiennes, géorgiennes résidant au Bénin qui viennent parfois avec leur époux à la divine liturgie ».
Pour des Béninois, pourquoi faire le choix de l’orthodoxie russe ? Franze Ébo, la quarantaine, évoque l’« authenticité du rite, la rigueur et le sérieux qui caractérise cette Église », tandis que Spéro Djossou, la cinququantaine, ancien fidèle catholique, expose « la richesse de la liturgie, sa solennité ».
Néanmoins, d’autres fidèles souhaitent intégrer à la « divine liturgie » l’usage d’instruments de musique pour « épicer » le style a capella jugé « un peu monotone ». « C’est un véritable problème pour nous », avoue le père Stéphane, tiraillé entre le respect du « non » du métropolite à ces instruments et l’attente de ses paroissiens.