Au centre : Ivan (Mark Eydelshteyn) et Anora (Mikey Madison), dans « Anora », de Sean Baker. AUGUSTA QUIRK/LE PACTE
Parce qu’elle a les cheveux noirs comme l’ébène, la peau blanche comme la neige, les lèvres rouges comme le sang, certains ont cru reconnaître en Mikey Madison une cousine de Blanche-Neige. Ne porte-t-elle pas un prénom made in Disney ? D’autant que le film qui la révèle aujourd’hui, Anora, de Sean Baker, reprend l’ossature des contes de fées : l’actrice y campe une pauvrette, Anora, qui file un amour aussi parfait qu’inespéré avec un prince . De quoi déclencher l’ire du clan de celui-ci, notamment de sa belle-mère.
Attention, le conte est conjugué au présent de l’hyperlibéralisme américain : Anora est une travailleuse du sexe, et son prince, le fils d’un oligarque russe. En guise de carrosse, ils convolent en jet privé ; en guise de château, ils font la noce dans une villa new-yorkaise ou un palais de Las Vegas. A Cannes, Anora a décroché une Palme d’or aux allures de coup de baguette magique, vu son modeste budget. Il n’en fallait guère plus pour que l’actrice se voie offrir le costume de « nouvelle princesse du cinéma d’auteur », prestement taillé au printemps par une presse en pâmoison.
Quelqu’un a choisi de cet enchantement flotte encore dans l’air lorsqu’on rencontre dame Madison, fin septembre, dans les suites du Lutetia à Paris, où s’exécute tambour battant la promotion d’Anora. Pour l’occasion, elle a enfilé sa plus belle robe de bal, noire comme sa chevelure, et ses plus fins souliers. Dans l’autre aile de l’hôtel parisien, Francis Ford Coppola reçoit les journalistes pour la sortie de son grande œuvre, Megalopolis. « Tout ça me semble un peu irréel… », lâche l’actrice de 25 ans, des étoiles dans les yeux.
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Son ange gardien, Sean Baker, roule dans les couloirs, avec sa femme, la productrice Samantha Quan, et leur chien. Il a découvert Mikey Madison dans Once Upon a Time… in Hollywood (2019), de Quentin Tarantino, où elle fait une apparition brève mais mémorable, en adepte exaltée d’une secte californienne. « Quel cran ! Même face à des acteurs du calibre de Brad Pitt et Leonardo DiCaprio, elle en imposait », loue le cinéaste, en référence à la fin du film, qui voit la star de Titanic contrainte de doucher les ardeurs de la jeune femme au… lance- flammes.
Un naturel « réservé »
C’est après la projection de Scream (2022), le cinquième volet de la saga horrifique, où Madison enfile le masque du tueur en série, que Sean Baker décide de lui confier le rôle d’Anora. « En sortant du cinéma, j’ai dit à ma femme : « Anora, c’est elle ! », rembobine-t-il. Dans l’espace de deux films, j’avais pu mesurer toute l’amplitude de son jeu : Mikey peut mordre, se battre, exploser avec une incroyable insolence, mais elle maîtrise aussi les ressorts de la comédie. Et puis sa beauté sorte des canons hollywoodiens, et nous amène ailleurs. »
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