Crédit photo, Simon Dawson/Bloomberg via Getty Images
Informations sur l’articleAuteur, Pamela AmunazoRôle, BBC Afrique
3 février 2024
Les autorités de la RDC effectuent depuis septembre des enquêtes dans tout le pays afin de vérifier si la loi sur la sous-traitance est respectée par les investisseurs étrangers dont les entreprises sont actives au Congo.
C’est l’Autorité de régulation de la sous-traitance dans le secteur privé (ARSP), à qui le président congolais a confié cette responsabilité.
Les premières conclusions de ces enquêtes, dans un rapport parvenu à la BBC, révèlent que plusieurs entreprises ne respectent pas la loi de la sous-traitance congolaise. Cette loi datant de 2017 vise à « rendre obligatoire la sous-traitance des activités annexes des entreprises telles que le transport des produits, la restauration ou les soins de santé du personnel et autres et réserver ces services aux entreprises à capitaux majoritairement congolais. »
“51% des parts dans les sociétés de sous-traitance doivent être réservées aux Congolais, contre 49% aux expatriés, mais beaucoup échappent à cette loi par des mécanismes de “fraude”, a constaté Miguel Kashal Katemb directeur de l’ARSP dans son enquête.
Les résultats de cette enquête ont révélé que le pays perd chaque année 8,5 milliards de dollars américains. Les autorités de la République démocratique du Congo ont indiqué vouloir capter cette somme perdue dans le secteur de la sous-traitance dont elles veulent faire un des piliers de l’économie du pays, encore dépendant des mines.
Bien plus, permettre aux congolais d’accéder au marché de la sous-traitance et à la chaîne de valeurs”, at-il dit.
« L’argent perdu constitue une “manque à gagner” due à la “fraude” et à un système de “prête-noms” utilisé dans le secteur de la sous-traitance”, a expliqué aux médias le directeur général de l’Autorité. de régulation de la sous-traitance dans le secteur privé (ARSP), Miguel Kashal Katemb.
Conflit entre associés chinois et congolais
Deux actionnaires congolais de la société Congo Engineering Contracting SAS avaient accusé leur partenaire chinois, monsieur Fu, d’utiliser des prêtes-noms. Ce chinois aurait fait passer son chauffeur comme 4ième associé de l’entreprise dans le mais de cacher certaines opérations et de gérer les contrats signés avec des sous-traitants étrangers selon la partie congolaise.
Après enquête, l’Arsp a révélé que sur un montant de 27 millions déjà payé à la société, seuls 600.000 francs congolais soit un peu plus de 200 dollars américains, ont été cédés à la partie congolaise.
Katzako Toussaint, l’un des actionnaires de Congo Engineering Contracting SAS, déplore cette situation : « nous, actionnaires nationaux, nous avons demandé aux chinois de tenir une assemblée générale pour parler des états financiers, et de leur affectation. C’est de là que les problèmes ont commencé, parce que le chinois ne voulait pas, il voulait peut-être utiliser des prêts-noms pour dire que c’est son entreprise et nous nous ne sommes que des congolais et que nous ne pouvions pas avoir ce que nous désirons. »
Pour sa part, Ferozi Guillaume, directeur de l’inspection et du contrôle de l’ARSP a précisé à la BBC que cette entreprise chinoise était accusée d’abus de confiance, de faux en écriture et d’usage de faux ainsi que de blanchiment de capitaux dans un dossier de prêtes-noms.
Le dossier avait été transféré à la justice congolaise. Monsieur Fu avait été détenu pendant une dizaine de jours à la prison centrale de Kinshasa avant d’être libéré après paiement des amendes transactionnelles.
Un compromis avait finalement été trouvé à l’amiable entre les deux parties. Le directeur général de l’ARSP a servi de médiateur en présence des représentants de la fédération des entreprises du Congo ainsi que des deux sociétés Teke Fungurume Mining et Kisamfu, qui ont accordé des marchés de plus de 60 millions de dollars américains. Monsieur Fu a accepté de signer un acte transactionnel pour mettre fin à ce litige et remettre les Congolais dans leur droit tel que la loi de la sous-traitance le prévoit.
« Ces congolais qui jadis étaient des associés représentés, viennent aujourd’hui d’avoir 51 pour cent des pièces dans une société qui a un chiffre d’affaires de 60 millions de dollars. C’est le combat du président et la matérialisation de sa vision » c’est en ces mots que s’est exprimé Miguel Kashal après la signature de cet accord.
Des actionnaires chinois d’une société de sous-traitance ont été pris la main dans le sac. Ils ont utilisé leur chauffeur comme 4ème actionnaire en brandissant de faux documents pour couvrir leurs opérations dans le cadre d’un contrat de partenariat signé avec et Kisanfu.
Glencore dans le collimateur du gouvernement
Légende image, Marie-Chantal Kaninda est la présidente de Glencore en RDC
L’ARSP poursuit son contrôle dans les entreprises étrangères présentes en RDC. Elle a tenu des discussions avec les responsables de Glencore, le géant suisse du négoce des matières premières.
Miguel Kashal a fait un constat selon lequel, les marchés de la sous-traitance étaient fermés aux investisseurs congolais, tandis que des étrangers se partageaient leurs bénéfices”, parfois en dehors de la RDC. “Il faut ouvrir ce secteur aux Congolais”, a a insisté le directeur général de l’ARSP.
“Nous sommes conformes à la loi sur la sous-traitance et Glencore emploie en république démocratique du Congo environ 4.000 sous-traitants et près de 7.000 employés”, a réagi Marie-Chantal Kaninda, représentante de cette société, présentée par la BBC.
L’an dernier, la société minière avait “payé plus d’1,2 million de dollars d’impôts, ce qui fait de Glencore l’un des plus grands contributeurs au Trésor” public en RDC, toujours selon Marie-chantal Kaninda.
Les discussions entre les deux parties se poursuivent.
Dissolution des contrats ou fermetures des locaux
Légende image, Nicolas Marques de Barrick et Miguel Kashal Katemb directeur de l’ARSP (à droite)
Menacée de fermeture à cause des cas de fraude liés à la sous-traitance dans sa filiale Kibali Gold Mine en République démocratique du Congo, le géant minier sud-africain Barrick a choisi de résilier son contrat avec une société de sous-traitance belgo-indienne avec à laquelle elle travaille depuis plusieurs années.
Selon les autorités congolaises, le numéro 2 mondial de l’or avait confié 90 % de ses contrats de sous-traitance à une entreprise dénommée Trade Corp Freight forward (TCFF), spécialisée dans le domaine de transport et d’approvisionnement et partenaire de Kibali. Gold Mine, qui à son tour exigeait des commissions aux entreprises congolaises sous-traitantes.
Le directeur général de l’ARSP Miguel Kashal a confié dans un entretien à la BBC que Kibali Gold Mine ne s’est non seulement pas rendu coupable de sous-traiter ses activités à des sociétés non éligibles à la sous-traitance, mais bien plus , elle a recruté une société belgo – indienne dénommée TCFF qui gère à elle seule 90 % des marchés.
Le cas de cette entreprise n’est que la partie visible de la réalité sur terrain, elle pourrait générer à elle seule, un peu de 2 milliards de dollars au profit des finances de la RDC. Des millions de dollars s’échappaient ainsi du circuit financier congolais. Et pour Miguel Katemb Kashal, c’est une hémorragie qui vient d’être stoppée.
Après des heures de réunion au quartier général de l’ARSP, la multinationale s’est donc engagée à augmenter le volume des marchés au profit des sociétés à capitaux majoritairement congolais.
Mais pour se séparer de son fournisseur désormais souhaitable, Nicolas Marques, l’un des hauts dirigeants de Barrick en charge de l’approvisionnement, exige une courte période de transition.
« Ce sont des faits graves. Nous avons demandé à la société Kibali Gold de radier cette société et les 90% des marchés de Kibali Gold qui étaient centralisés par cette société étrangère viennent aujourd’hui d’être libérés au profit des entrepreneurs congolais. C’est le combat du président de la République. La société TCFF avait déjà centralisé tous les marchés et les paiements s’effectuaient à l’étranger ; ici chez nous au niveau de l’ARSP, nous allons dissoudre l’attestation. Ce qui fait que cette société ne sera plus du tout éligible sur toute l’étendue du territoire national », a confié le directeur général de l’ARSP à la BBC.
La RDC compte un peu plus de 15.000 sociétés de sous-traitance et les autorités visent à atteindre le chiffre de 50 à 60.000 cette année.