Le cimetière de Loyasse, à Lyon, le 24 octobre 2024. JEFF PACHOUD/AFP
Le jour même de ses cent ans, Allan Karlsson saute par la fenêtre de sa maison de retraite, échappe à la réception qui l’attendait, et entame de nouvelles aventures d’une douce dinguerie. A lire l’étude publiée mercredi 30 octobre par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), on comprend mieux les acrobaties tentées par le héros du Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, ce roman à succès de Jonas. Jonasson (Presses de la Cité, 2011) : statistiquement, c’est le jour de son anniversaire que chacun a le plus de risques de mourir, et de très loin.
L’Insee a quantifié le phénomène. Sur les vingt dernières années, de 2004 à 2023, le risque de décéder ce jour-là augmente en moyenne de 6 % pour l’ensemble de la population. Mais pour les seuls hommes de 18 à 40 ans, il grimpe de 24 %. Pour les centenaires comme l’excentrique Allan Karlsson, le risque bondit même de 29 % !
Ce « syndrome de l’anniversaire », qui a touché aussi bien le peintre Raphaël que le chanteur Dick Rivers, l’écrivain Jean-Bertrand Pontalis et l’actrice Ingrid Bergman, n’a rien d’une spécificité française. L’« effet anniversaire » a également été observé en Suisse, aux Etats-Unis, au Japon ou encore en Ukraine, avec des taux variables en fonction des cultures.
Un jour d’hiver
Plusieurs explications se conjuguent, toutes liées au caractère exceptionnel accordé à cette journée particulière. La première citée par l’Insee tient aux excès commis lors de ces anniversaires, spécialement chez les jeunes adultes. Beaucoup d’alcool, de trop bons repas, de fêtes épuisantes, de virées nocturnes en voiture. De quoi accentuer les risques d’accident, de chute, et de problèmes cardiovasculaires.
Mais d’autres facteurs jouent également. L’émotion, le stress de la célébration, la conscience du temps qui passe peuvent justifier une partie de la mortalité accumulée ce jour-là. Nathalie Blanpain, de l’Insee, évoque également « le désir d’atteindre le jour de son anniversaire » : il « pourrait retarder la survenue du décès de personnes en fin de vie », qui lâcherait prise le jour J. L’étude mentionnée enfin les risques de suicide, constatés notamment au Japon : « Cette date symbolique pourrait exacerber un sentiment de tristesse ou de solitude. »
Collectivement, le jour le plus meurtrier de l’année reste cependant le 3 janvier, précise la note de l’Insee. De 2004 à 2023, quelque 1 900 décès ont été enregistrés en moyenne ce jour-là en France, contre 1 600 les autres jours. Tout se cumule pour faire du 3 janvier un jour noir, relève l’institut. C’est un jour d’hiver, une saison où les virus circulent fortement, et qui convient aux fêtes de fin d’année. « Le désir de passer ces fêtes avec des proches, ainsi que celui d’atteindre une nouvelle année », pourrait retarder le décès des personnes âgées et expliquer en partie ce pic, écrit l’Insee. De plus, le 3 janvier correspond à la reprise des opérations programmées à l’hôpital, une autre cause de décès. A l’inverse, le 15 août, une date fériée en plein été, constitue le jour le moins meurtrier de l’année.