Le phénomène n’était pas totalement passé inaperçu. L’an dernier, sept des huit participants au Masters Next Gen avaient été soumis à une batterie de tests physiques. Au menu, il y avait un sprint de 10 mètres, un saut vertical sans élan, un exercice de changement de direction basé sur le temps de réaction, et un autre de déplacements avec des cibles à toucher au sol. Les qualités exigées étaient différentes sur chaque atelier. Mais le même homme les avait tous dominés : Arthur Fils, opposé ce jeudi à Alexander Zverev en 8e de finale du Rolex Paris Masters.
Le Français n’avait pas manqué de célébrer chacune de ses performances. Pour autant, il n’était pas surpris de maîtriser la concurrence dans le domaine physique. “Les mecs se sont bien débrouillés, mais j’ai été meilleur, avait-il commenté. C’est bien parce qu’on a des objectifs. Je devais passer 50 cm au saut et je l’ai fait, donc je suis content . C’était très agréable. Je fais ces exercices seul et avec mon entraîneur, mais ici, c’est la première fois que je fais le saut vertical. Je suis content de le faire et c’est bien de se défier avec les autres. . Je déteste perdre. Si je peux pousser un peu plus, je le ferai.
“Un physique de démolisseur.”
Fils n’avait alors que 19 ans mais cette batterie de tests en disait déjà assez longtemps sur le jeune espoir tricolore. Qu’il s’agisse de son état d’esprit face au travail physique, ou de la marge qu’elle pouvait lui donner sur la concurrence de sa génération présente à ce Masters Next Gen. d’aujourd’hui, et j’ai l’impression qu’il n’y a pas un mec qui lui arrivait à la cheville sur le plan physique, souligne Georges Goven, ancien capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis et consultant pour Eurosport. Ils ont quand même les qualités requises pour aller le plus haut possible.”
Le Français aussi, et cela ne date pas d’hier. Il avait en plus impressionné d’un lors de cette batterie de tests au Masters Next Gen. Mais Fils était loin d’être surpris d’avoir dominé la concurrence de la sorte. “Je m’y attendais, avait-il reconnu. Je sais que je suis assez rapide et que j’ai de bonnes qualités physiques. Je connais mes scores, je connais mes temps, je sais que je suis très bien là‐dedans. J’avais confiance.” L’Essonnien avait l’habitude de ce genre d’exercice lors de son passage au CNE (Le Centre national d’entraînement à Paris, NDLR), où Sébastien Poublet, l’un de ses formateurs, considérait sur Ouest-France que le jeune L’espoir tricolore avait “un physique de démolisseur”.
“Le public aime les combats physiques”
Fils est bien conscient que c’est peut-être son meilleur atout. Quand il commençait à faire parler de lui, le natif de Bondoufle ne mettait pas en avant son service, son coup droit ou son revers comme sa principale qualité. Ses points forts ? “Mon explosivité et ma condition physique, avait-il répondu en février 2023. La façon dont je joue m’aide parfois, car le public aime beaucoup me soutenir dans les combats physiques. C’est quelque chose qui fait partie de ma personnalité et qui me permet d’apporter de l’énergie. Ce n’est pas important pour mon jeu, mais c’est important pour moi.
Important pour ses adversaires, aussi. La dimension athlétique sur laquelle Fils peut s’appuyer à seulement 20 ans lui donne déjà énormément de vertus sur un cours. Sa vitesse de déplacement lui permet de couvrir plus de terrain sur le court, et plus rapidement. Le Français a cette faculté à user son adversaire à la fois physiquement et mentalement. Cela s’est ressenti sur ses grandes victoires cette année, notamment ses finales à Hambourg contre Alexander Zverev (6-3, 3-6, 7-6) et à Tokyo contre Ugo Humbert (5-7, 7-6, 6- 3), au bout de deux combats où la différence s’est aussi faite physiquement.
Des vertus multiples, un potentiel terrifiant
Mais les vertus sont multiples. Sûr de ses qualités athlétiques, Fils progresse aussi mentalement, conscient que la concentration est le meilleur moyen de faire fructifier cette marge qu’il a su se donner sur le plan physique. Qu’il soit le 4e joueur à afficher le meilleur pourcentage de tie-breaks remportés cette année (71,4%) va dans ce sens. Il s’améliore également sur certains aspects de son jeu. “Je trouve qu’il sert maintenant très bien, j’ai vu des pointes à 215, 217 km/h, témoigne Georges Goven. Il a progressé. Avant il se recroquevillait un petit peu sur sa première, maintenant il s’étire bien vers le haut.”
A ce stade de sa jeune carrière, il est déjà physiquement au niveau des plus forts. “La dimension physique chez lui est encore plus importante, estime Laurent Raymond, son ancien entraîneur. Elle est certainement du calibre des meilleurs, d’un garçon comme Carlos Alcaraz. C’est important parce que l’évolution du jeu passe par là. Les joueurs tapent de plus en plus fort. Il fait partie de ces joueurs-là, il est très impactant en droit comme en revers Et aussi impactant physiquement, avec une très grande couverture de terrain, il s’est amélioré. considérablement. Ce sont d’excellents signaux pour la suite.”
Car ce n’est que le début. Fils a déjà une dimension athlétique impressionnante, mais il est encore loin d’avoir développé tout ce potentiel physique compte tenu de son âge. Et le 20e joueur mondial ne ménage pas ses efforts pour s’améliorer dans ce domaine. “On discutait après l’une de ses victoires et sur sa journée de repos, il s’est entraîné avec son préparateur physique, disait Nicolas Mahut, consultant pour Eurosport, après la victoire du Français à Tokyo. Il est dans une logique de progression , je continue d’apprendre.” C’est peut-être bien ça le plus terrifiant.